L’autre canal

Par Gérard BAROUHIEL le 20-01-2016

Le canal St-Martin à Paris relie le port de l’Arsenal vers Bastille jusqu’au canal de l’Ourcq, il se déroule sur quelques kilomètres, parfois à l’air libre et parfois en souterrain.

Il a servi de décors pour le film Quai des brumes avec Arletti et Louis Jouvet, et pour bien d’autres tournages. On s’attend à voir Maigret au détour de la passerelle de la Grange-aux-Belles ou Amélie Poulain sur le pont tournant de la rue Dieu. Il est le décor naturel de nombreuses publicités avec les écluses en toile de fond.

En été, à l’heure du déjeuner, plus une place assise le long des quais. On mange son bagel ou ses pâtes dans une boîte en carton, assis sur le parapet devant l’eau qui s’écoule en espérant voir passer un bateau de promenade ou une péniche, et il y en a souvent.
La ville de Paris a décidé de le nettoyer. J’aurais bien proposé mes services en arguant une expérience dans le traitement des canaux, mais les services de la Voirie auraient-ils compris l’humour ?

Barrières et pelleteuses mécaniques se sont installées le long des quais pour quatre mois. Alors qu’y-a-t-il au fond de ce canal ?

Une fois l’eau évacuée, et après avoir sauvegardés plusieurs tonnes de poissons plus en amont, le canal est à sec. J’ai pu ainsi voir toutes sortes d’objets insolites près du pont tournant, englués dans la vase : des vélos, des barrières de protection, des caddies, un scooter et une brouette, mais j’ai lu qu’ils ont également trouvé des réfrigérateurs, des pneus, des carrosseries de voiture. La légende dit même qu’un crocodile y aurait élu domicile.
Au diable l’écologie et la préservation du patrimoine, des parisiens jettent ce qui les gène, les objets qu’ils ne veulent plus voir. La Mairie de Paris propose pourtant un service gratuit d’enlèvement d’objets encombrants, peu importe, pousse tout ça dans le canal, ça va plus vite !

Et si je me débarrassais moi-aussi de tout ce qui me gène, comme, les codes incompréhensibles de la CCAM, ma moto vintage accidentée que personne ne veut, les barrières qui coupent l’accès à la Gare du Nord et qui provoquent un embouteillage permanent, la liste des tâches que je dois faire et qui ne diminue jamais, les trois complets du bas identiques de Mme Michu qui ne lui conviennent pas (et pourquoi pas de Mme Michu elle-même), mon vélo d’adolescent inutilisable mais qui s’attache à mes souvenirs, les cotisations d’Urssaf, mon compresseur qui fait trop de bruit, l’enseigne lumineuse de deux mètres sur quatre du centre de soins dentaires près de mon cabinet (oui il est toujours là !).
Mais je ne veux pas de nouveau encombrer le canal, il ne fait que 3 à 4 mètres de profondeur et dans cette énumération rien ne sera soluble dans de l’eau.

En juin il sera propre au moins pour quelques temps, les bateaux y circuleront de nouveau et le repas de midi assis sur le quai n’en sera que plus agréable.

Gérard Barouhiel

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