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Patients sous Bisphosphonates. Quelles précautions à prendre ?

Pathologie Par Bernard GUILLAUME, Stéphane LUC-SEBAOUN le 22-01-2008

Les BPs sont prescris depuis de nombreuses années dans le traitement des pathologies osseuses impliquant l’intervention du remodelage osseux.

Agissant principalement sur l’inhibition de l’action des ostéoclastes ils sont utilisés dans le traitement des hypercalcémies (processus métastatiques, cancer) et dans le traitement de l’ostéoporose.

Depuis 2002 des publications font état de complications odontostomatologiques de type ostéonécrose des mâchoires (ONM) survenants notement après un geste chirurgical chez des patients traités par Bisphosphonates (BPs) principalement par voie parentérale.

Ces complications buccales imposent de connaître les différentes thérapeutiques par BPs actuellement prescrites, assurer un bilan préventif et une prise en charge médicale de l’ostéonécrose.

Images ostéolytiques du bassin
Métastases du crâne
I Introduction  Les Bisphosphonates BPs : Propriétés et Actions  thérapeutiques

L’action principale des BPS vise à diminuer la résorption osseuse pour préserver et augmenter la masse osseuse.

Leur prescription est donc indiquée dans tous les cas de résorption osseuse comme l’ostéoporose, la maladie de Paget et les processus ostéolytiques majeurs rencontrés dans les tumeurs osseuses malignes, dans les processus métastatiques du cancer du sein ou de la prostate et des hémopathies malignes (lymphome, myélome) (5)

Dans le cadre des processus malins il se produit une stimulation de l’ostéoclastogène par les cellules tumorales source d’ostéolyse. Les travées osseuses sont détruites avec création de lacunes osseuses radiologiquement visibles (lacunes à l’emporte pièce).
Métastases du tibia et du péroné
Travées osseuses en vert. Envahissement métastasique en rose.
Travées osseuses en vert. Envahissement métastasique en rose.

Os sain
Os ostéoporotique
Dans le cas des dysplasies fibreuses ainsi que dans la maladie de Paget on assiste a une accélération du processus de remodelage osseux freiné par l’action des BPs

L’ostéoporose est un véritable problème de santé publique.
Quelques chiffres :
130000 fractures par an siégeant surtout au poignet et extrémité supérieur du fémur (ESF). L’ostéoporose post ménopausique essentiellement avec 50 000 cas par an chez la femme de plus de 50 ans et avec une prévision de 100000 cas en 2050. On constate de plus en plus de fractures liées à l’ostéoporose masculine et au traitement cortisonique.
Les BPs en limitant de façon importante l’hyper ostéolyse agissent donc en diminuant le risque fracturaire. (10)

Structure moléculaire des BPs
Structure moléculaire des BPs
 2 Patient déjà traité par BPS sans signe OST

2 a  Patient sous BPs oraux

On doit tenir compte de la durée et l’ancienneté du traitement Il semblerait que les risques apparaissent dans les cas de prise au long court (plusieurs années).
La prévention d’une hygiène bucco dentaire est essentielle avec contrôle radiographique. Les caries doivent être éliminées, les soins endodontiques effectués sous digue.
En ce qui concerne les actes chirurgicaux ils seront réservés aux actes indispensables (abcès, fracture dentaire, infection parodontale) nécessitant un geste. Ceux ci seront effectués sous antibiothérapie pré et post opératoire (Pénicilline à large spectre Clamoxyl*, 2 grammes par jour).

En ce qui concerne la pose d’implant, on ne dispose pas de consensus sur une contre indication a leur utilisation, il s’agit donc avant tout d’apprécier l’avantage du traitement implantaire dans le cas présent et d’informer le patient de l’état actuel de nos connaissances.

Nécrose zone molaire
En pratique dès la constatation de la nécrose, il faut effectuer un prélèvement bactérien avec antibiogramme pour vérifier l’absence de résistance, puis instituer le traitement antibiotique et surveiller très régulièrement l’évolution tant sur la plan clinique que radiographique.
On aura recours a des antibiotiques de la famille des Pénicilline à large spectre (Clamoxyl 2 gr par jour, parfois pendant plusieurs semaines voir en continue), Métronidazole (Flagyl *) et Quinolone (Tavanic*, Ciflox *) pouvant être prescrit selon le cas.

L’apparition de cette complication impose une communication entre praticiens traitant (Stomatologue, chirurgien dentiste, oncologue, médecin traitant)
Zone mandibulaire
Coupe scanner de profil
La localisation prédomine aux zones postérieures et plus particulièrement à la mandibule (66%) qu’au maxillaire (26%). (7) (12)

Le contact de l’os est en règle indolore et ramène des particules d’os avascularisé. Le diagnostic repose, outre l’examen clinique, sur les radiographies rétroalvéolaires, panoramique dentaire et scanner.
Les images sont assez similaires à celle de l’ostéoradionécrose avec des zones de faible densité. L’examen histologique est parfois recommandé.
VI Conduite à tenir

A partir de juillet 2005 l’AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé) a émis des recommandations de prescription des BPs par voie intra veineuse. On peut retenir selon les dernières recommandations de l’AFSSAP une classification des situations cliniques rencontrés en pratique quotidienne. A cette classification on peut également ajouter l’importance de la nature orale ou injectable des BPs.

 1 Patient candidat à un traitement par BPs sans signe OST

1a  Prise de BPs oraux

Elle est indiquée surtout pour les patients ayant une ostéoporose importante avec un risque fracturaire. Actuellement la prescription principale est dans le cadre de l’ostéoporose post ménopausique. Compte tenu du vieillissement de la population, on sera amené à prendre en compte l’ostéoporose masculine.(le Fosamax à l’AMM dans cette indication)

Ces patients seront bien évidement demandeurs de prévention de fractures et de lésions liées à la baisse du capital osseux et de traitements efficaces comme les Bisphosphonates. Actuellement peu de publications font état de nécrose de la mâchoire sous BPs oraux et seulement après traitement depuis plusieurs années.

On ne peut que souhaiter que cette constatation reste limitée. En effet se poserai alors de façon aigue l’opportunité de nombreux traitements odontostomatologiques récemment développés comme les soins préventifs parodontaux, les réhabilitations implanto prothétiques et qui ont permis de supprimer les prothèse amovibles et de garantir la conservation du capital dentaire.

Les principaux BPs a retenir et a rechercher dans l’interrogatoire du patient sont Didronel* Fosamax* Actonel* Bonviva *.

En cas de traitement chirurgicaux parodontaux et implantaires, il est néanmoins nécessaire de demander au patient la nature du BPs qui sera prescrit et la durée de la prescription. On ne peut au vue de l’état actuel des connaissances des complication des BPs oraux récuser de façon systématique toute intervention.
Il faut apprécier l’état clinique buccal et l’importance du traitement odonstostomatologique envisagé et dans tout les cas échanger ces informations avec le médecin prescripteur (un traitement de substitutions est il envisageable ?)
Compte tenu des incidents de ces traitement en odontostomatologie il n’est pas inutile de connaître la nature des différents traitement possible de l’ostéoporose.

3 catégories de traitement sont actuellemnt mis en œuvre :

Les OstéoFormateurs
     Le Tériparatide (1-34 PTH) agit en stimulant la formation osseuse.
Les AntiRésorptifs
     Les Biphosphonates
     Les SERM (modulateurs sélectifs de l’activation des récepteurs) freine l’activité ostéoclastique.
Les Anti Résorptifs et OstéoFormateurs 
     Le ramélate de strontium stimule le remodelage osseux et diminue l’action de résorption osseuse des ostéoclastes

1 b Prise de BPS injectables

La plupart des médicaments prescrits sont : Clastoban*, Arédia*, Ostépam*, Zométa*.
La plupart des indications de prescription de BPs se font pour des pathologies osseuses de type hémopathie, myélome, hypercalcémie métastasique. Ces prescriptions se font en milieu hospitalier.
Dans l’idéal si le délai le permet (2 à 3 mois nécessaire à la cicatrisation osseuse) il importe de prévenir toute complication osseuse infectieuse chez ces patient par une suppression des prothèses traumatisantes, vérification des traitements endodontiques et parodontaux, extraction de dents de sagesse et dent infectée avec granulome ou kyste, chirurgie des défauts osseux (tori).
La pose d’implant sera de préférence écartée afin d’éviter le traitement chirurgical d’une complication future. (8)

 2 Patient déjà traité par BPS sans signe OST

2 a  Patient sous BPs oraux

On doit tenir compte de la durée et l’ancienneté du traitement Il semblerait que les risques apparaissent dans les cas de prise au long court (plusieurs années).
La prévention d’une hygiène bucco dentaire est essentielle avec contrôle radiographique. Les caries doivent être éliminées, les soins endodontiques effectués sous digue.
En ce qui concerne les actes chirurgicaux ils seront réservés aux actes indispensables (abcès, fracture dentaire, infection parodontale) nécessitant un geste. Ceux ci seront effectués sous antibiothérapie pré et post opératoire (Pénicilline à large spectre Clamoxyl*, 2 grammes par jour).

En ce qui concerne la pose d’implant, on ne dispose pas de consensus sur une contre indication a leur utilisation, il s’agit donc avant tout d’apprécier l’avantage du traitement implantaire dans le cas présent et d’informer le patient de l’état actuel de nos connaissances.

2 b Patient sous BPs injectables

La plupart des médicaments prescrits sont : Clastoban*, Arédia*, Ostépam*, Zométa*
Ce cas de figure rejoint les éléments décrits dans le chapitre précédent. Il s’agit de pathologies osseuses lourdes auxquels on associe la maladie de Paget imposant des protocoles thérapeutiques multidisciplinaires.

Les soins buccaux dentaires sont là encore indispensables en raison du risque accru lié aux BPs injectables

Une plus grande rigueur sera portée aux actes chirurgicaux, limités aux actes essentiels avec information du patient de cette complication. Toute extraction se fera sous couverture antibiotique (Pénicilline à large spectre : Clamoxyl* 1 gr par jour matin et soir) 15 jours avant et 6 semaines après de façon identique au protocole du traitement de l’ostéite post radiothérapique. L’acte devra se faire avec un maximum d’asepsie, rinçage buccal préopératoire et post opératoire à la Bétadine buccale, anesthésie sans adrénaline, limitation du fraisage osseux effectué sous irrigation constante, conservation selon le cas des plans périostés.
Certains auteurs préconisent de ne pas extraire la dent mais de la réduire au ras de la gencive après traitement endodontique, en sachant que ces racines résiduelles peuvent avoir un potentiel infectieux compliquant les suites. Ce protocole a néanmoins l’avantage d’éviter un acte chirurgical qui pourra être réaliser secondairement à l’arrêt du traitement des BPs.

La pose d’implant est contre indiquée dans cette situation. La présence d’implant asymptomatique ne justifie pas leur dépose.
 3 Patient avec signe OST¨

Après un délai de 6 à 8 semaines la persistance d’une dénudation osseuse tant au maxillaire supérieur qu’à la mandibule après un geste chirurgical (et très exceptionnellement en dehors de tout geste chirurgical), doit faire porter le diagnostic de nécrose de mâchoire chez un patient traités par BPs. Il faut également souligner la survenue possible de cette complication plusieurs années après l’arrêt de la prise de BPs.

On doit informer le patient de la nature de la complication et de la durée du traitement instauré qui comportera des soins locaux par bains de bouche dilué quotidien avec de la chlorhexidine ou de bétadine buccale ainsi que la prescription d’antibiotiques à large spectre. Ceux ci sont prescris en en continue par certains auteurs, d’autres privilégient le traitement antibiotique en présence d’infection et de douleur. (9) (10) (15) (20)
En pratique dès la constatation de la nécrose, il faut effectuer un prélèvement bactérien avec antibiogramme pour vérifier l’absence de résistance, puis instituer le traitement antibiotique et surveiller très régulièrement l’évolution tant sur la plan clinique que radiographique.
On aura recours a des antibiotiques de la famille des Pénicilline à large spectre (Clamoxyl 2 gr par jour, parfois pendant plusieurs semaines voir en continue), Métronidazole (Flagyl *) et Quinolone (Tavanic*, Ciflox *) pouvant être prescrit selon le cas.

L’apparition de cette complication impose une communication entre praticiens traitant (Stomatologue, chirurgien dentiste, oncologue, médecin traitant)
Si la nécrose est peu étendue après plusieurs mois de traitement (3 à 4 mois) l’os nécrosé sera éliminé et les tissus gingivaux périphériques recouvriront le site.

L’élimination de petits séquestres peut se faire sous irrigation dans des zones ou la visibilité de l’os nécrosé est parfaite, cet os avascularisé est par ailleurs insensible.

Le recouvrement chirurgical par lambeau de demi épaisseur avec conservation du périoste sur des territoires limités peut dans certains cas favoriser la cicatrisation avec l’utilisation d’anesthésiques sans vasoconstricteur et des fils de suture résorbables.

Ces dégradations du tissu osseux peuvent entraîner une mise à nu d’implants, source d’infection locale. Leurs déposes là encore, se feront en milieu hospitalier.
Des nécroses plus étendues et plus profondes imposent un bilan radiographique (scanner) et une prise en charge en milieu hospitalier maxillo-facial .Des protocoles de traitement par oxygénothérapie hyperbare sont proposés en cas de nécrose étendue profonde et résistante. (10).
Il a été également institué des biostimulations par laser Nd : YAG apportant certaines améliorations sur la diminution des douleurs et la réduction des ulcérations.

Des cas de fractures ont été mentionnés et l’étendue de la nécrose peut parfois justifier de résections osseuses larges.
 
Compte tenu de l’évolution de la pathologie osseuse initiale et après accord des équipes traitantes le traitement par BPs peut être suspendu quelque temps en sachant malgré tout que ces molécules ont une durée de demi vie très longue.
  1. AAOMS. American Association of Oral and Maxillofacial Surgeons position paper on bisphosphonate-related osteonecrosis of the jaws. J Oral Maxillofac Surg 2007;65: 369-376.
  2. Abu-Id MH, Acil Y, Gottschalk J, Kreusch T. Bisphosphonate-associated osteonecrosis of the jaw. Mund Kiefer Gesichtschir 2006;10: 73-81.
  3. Bamias A, Kastritis E, Bamia C, Moulopoulos LA, Melakopoulos I, Bozas G, Koutsoukou V, Gika D, Anagnostopoulos A, Papadimitriou C, Terpos E, Dimopoulos MA. Osteonecrosis of the jaw in cancer after treatment with bisphosphonates: incidence and risk factors. J Clin Oncol 2005;23: 8580-8587
  4. Boivin G, Meunier PJ. Changes in bone remodeling rate influence the degree of mineralization of bone. Connect Tissue Res 2002;43: 535-537.
  5. Chappard D, Legrand E, Massin P, Baslé MF, Audran M. Pathophysiologie des métastases osseuses. Prog Urol 2003;13: 9-17.
  6. Chhoeu AH, Longphre JM, Kraft KH, Boneta O, Conard JL, Freiberger JJ. A case series of hyperbaric oxygen treatment for non-radiation induced osteonecrosis of the jaw. J Oral Maxillofac Surg 2006;64: 80-81.
  7. Demerjian N, Bolla G, Spreux A. Severe oral ulcerations induced by alendronate. Clin Rheumatol 1999;18: 349-350.
  8. Hoff AO, Toth BB, Altundag K. Osteonecrosis of the jaw in patients receiving intravenous bisphosphonate therapy (abstract). J Clin Oncol, ASCO Annual Meeting Proceedings 2006;24: 8528.
  9. Marx RE, Sawatari Y, Fortin M, Broumand V. Bisphosphonate-induced exposed bone (osteonecrosis/osteopetrosis) of the jaws: risk factors, recognition, prevention, and treatment. J Oral Maxillofac Surg 2005;63: 1567-1575.
  10. Mashiba T, Turner CH, Hirano T, Forwood MR, Johnston CC, Burr DB. Effects of suppressed bone turnover by bisphosphonates on microdamage accumulation and biomechanical properties in clinically relevant skeletal sites in beagles. Bone 2001;28: 524-531.
  11. Robertson A, Kraenzlin ME, Zeilhofer HF, Meier C. Ostéonécrose maxillaire due aux bisphosphonates. Recommandations diagnostiques et thérapeutiques. Forum Med Suisse 2007;7: 408-412.
  12. Ruggiero SL, Mehrotra B, Rosenberg TJ, Engroff SL. Osteonecrosis of the jaws associated with the use of bisphosphonates: a review of 63 cases. J Oral Maxillofac Surg 2004;62: 527-534.
  13. Woo SB, Hellstein JW, Kalmar JR. Narrative [corrected] review: bisphosphonates and osteonecrosis of the jaws. Ann Intern Med 2006;144: 753-761.
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