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Trop d’Antibio… Beaucoup Trop !

Pharmacologie Par Guillaume GARDON-MOLLARD le 09-05-2016

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Quand on observe la façon dont les patients bénéficient ou non de traitements médicamenteux, on en arrive à penser que les règles de prescription des antibiotiques en odontologie sont floues, voire controversées. Cette confusion empêche bien souvent de savoir précisément quand une prescription est nécessaire, à quel dosage, à quelle fréquence et pendant combien de temps.

En cas de pathologie endodontique, la prescription antibiotique, motivée par le seul critère d’une douleur d’origine dentaire, n’est pas indiquée et même inutile.

 

BIEN REPERER LA PATHOLOGIE

Avant de prescrire, il faut un diagnostic. Si le diagnostic nécessite une antibiothérapie, alors on devra choisir la molécule la mieux adaptée à la situation. En odontologie comme dans les autres spécialités médicales, près de la moitié des prescriptions antibiotiques ne sont pas adaptées. Cela concerne les douleurs dentaires, et particulièrement celles suspectées d’être d’origine endodontique. Rappelons que la douleur ne se traite pas avec des antibiotiques mais avec des antalgiques. Lorsqu’un patient présente une douleur dentaire due à une pulpite irréversible causée par une carie profonde juxta-pulpaire, le traitement adapté est soit le traitement endodontique, soit l’extraction puis une prescription d’antalgiques.

Imaginons maintenant un patient se présentant pour une douleur dentaire et que le diagnostic mette en évidence une nécrose pulpaire. La pulpe peut être infectée… ou pas. Là encore, le traitement adapté est soit le traitement endodontique, soit l’extraction. En d’autres termes, la source de l’infection (ou de l’infection potentielle) doit être d’abord supprimée.

Si le patient présente un œdème, des ganglions et de la fièvre, alors on suspecte une réponse systémique à une infection qui dépasse les capacités de son système immunitaire. C’est seulement dans ces situations, assez rares, que l’antibiothérapie est clairement indiquée.

Car la sur-utilisation des antibiotiques crée plus de problèmes qu’elle n’en résout. Une des plus grandes menaces sanitaires qui planent sur les populations est l’apparition de multi-résistances bactériennes aux antibiotiques.

 

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BIEN CONNAITRE SES MOLÉCULES

Si une antibiothérapie est indiquée, il faut choisir la molécule dont le spectre sera le plus étroit possible et qui inclut les pathogènes les plus probablement impliqués dans l’infection. Il faut également choisir la molécule qui aura le moins d’effets secondaires (résistance des germes non dentaires, nausées, diarrhées, dyspepsies…). Pour les infections d’origine endodontique, la molécule de choix reste la pénicilline V. Bien que l’amoxicilline soit, de loin, l’antibiotique le plus fréquemment prescrit, elle présente un spectre plus large que nécessaire pouvant conduire à des effets secondaires indésirables. Mais en comparaison à la pénicilline V, sa biodisponibilité est supérieure et permet d’en espacer les prises (3 fois par jour).

Pour les patients allergiques à la pénicilline, on peut prescrire des macrolides comme l’érythromycine ou l’azithromycine; ou bien la clindamycine. Les tétracyclines, bien qu’efficaces dans le traitement de certaines maladies parodontales, ne sont pas indiquées dans le traitement des infections d’origine endodontique.

Si le patient ne répond pas favorablement à la prescription d’amoxicilline ou de clindamycine après 2 ou 3 jours, et ce alors que la source de l’infection a été supprimée, l’utilisation de métronidazole devient alors nécessaire. Le métronidazole est sélectivement efficace sur les bactéries anaérobies. Il n’est donc pas indiqué en première intention, ni en deuxième intention mais il s’avère être très efficace en association avec la molécule prescrite en première intention.

Les dosages recommandés sont les suivants :

  • Amoxicilline : 500 mg, 3x/j
  • Clindamycine : 300 mg, 3 ou 4x/j
  • Metronidazole : 500 mg, 3 ou 4x/j

 

La plupart des infections dentaires cèdent après 5 à 7 jours de traitement. Si le patient ne présente ni signe, ni symptôme après cette période, il n’y a aucun bénéfice thérapeutique à prolonger la durée du traitement.
En revanche, si les signes et les symptômes persistent malgré le traitement, il est indispensable de reconsidérer le diagnostic.

VOUS POUVEZ NOUS DONNER VOTRE AVIS EN COMMENTAIRE !

  • Prescrivez-vous des antibiotiques pour les pathologies parodontales (abcès parodontal, parodontite agressive) ?
  • Quelles sont vos règles de prescription antibiotique en chirurgie orale/implantaire ?

 

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6 commentaires au sujet de “Trop d’Antibio… Beaucoup Trop !

  1. Baidy LO.

    Merci cher confrère pour cet article qui attire sans doute l’attention de tout praticien. Cependant, j’aimerai souligner une particularité chez nous , en Afrique, ou les prescriptions antibiotiques sont presque sytematisées, avant, ou après tout acte thérapeutique. Ceci pouvant se justifier par les retards de consultations ( les sujets ne viennent en consultation que lorsqu’il y ‘a, douleur, gêne importante…), qui font que les lésions passent à la chronicité… Et sur ce, la prémédication antibiotique est de règle avant tout geste thérapeutique laissant une plaie en bouche, d’autant plus qu’il est fréquent de se retrouver avec un patient avec une hygiène buccale très insatisfaisante, et un état général le souvent inconnu.

    1. guillaumegm@hotmail.com .

      Merci pour cet éclairage sur votre pratique et sur les contraintes qui pèsent sur votre exercice. Puis-je vous demander dans quelle région d’Afrique travaillez-vous? Et avez-vous une activité spécifique (chirurgie orale) ou bien généraliste ?
      Je peux tout à fait entendre que l’accès aux soins soit plus difficile dans certaines régions reculées du continent et amène les patients à consulter lorsque la pathologie bucco-dentaire a atteint un certain stade d’avancement infectieux… mais cela veut-il dire que vous prescriviez systématiquement des antibiotiques sans avoir posé de diagnostic?
      La réalisation du geste thérapeutique, s’il est bien indiqué, doit permettre de supprimer ou traiter le foyer infectieux.
      Je peux tout autant entendre que l’impossibilité de déterminer avec précision l’état de santé des patients et que l’éloignement géographique puisse laisser planer un doute concernant la capacité de leur système immunitaire… mais ne vaudrait-il pas mieux prescrire une ABthérapie uniquement en seconde intention, c’est à dire dans les cas où, malgré le geste thérapeutique, la normalisation de la situation est compromise?
      Merci d’avance pour vos réponses.
      Bien confraternellement.

  2. Baidy LO.

    Merci !
    J’exerce en Mauritanie, un pays situé en Afrique de l’Ouest .
    Je pratique en tant que généraliste, mais la chirurgie orale reste fondamentale dans notre contexte ( comme j’ai dit tantôt, le retard des consultations dû à certaines réalités socio-économiques, le manque de professionnels dans le domaine, défaut de politique de santé publique : prévention. ..) , du fait de la nature des lésions à prendre en charge, extractions dentaires (dents à lésions apicales, granulomes et kystes…) , cellulites cervico-faciales+++, osteites, pericoronarites liées aux éruptions des DDS, reimplantation dentaire, parodontopathies…
    Notre contexte nous impose une certaine polyvalence , biensûr avec des bases scientifiques…
    Je rappelle que toute prescription medicamenteuse doit être précédée d’un examen clinique complété d’examens complémentaires (L’ensemble permettant, bien évidemment de poser un diagnostic).
    Cependant je pense, qu’en dehors du risque de développer des résistances lié à l’automédication , il est bénéfique pour le patient que les gestes thérapeutiques laissant en bouche des plaies, s’effectuent sous couverture antibiotiques.
    Bien confraternellement.

  3. Bruno LEVOLLANT.

    Alors Antibiothérapie? 5 ou 7 jours ?
    Clamoxyl 500 mg 3/jour ou 2×500 2/jour?
    Afssaps ou pas Afssaps?
    Spiramycine ou Clindamycine ?
    Birodogyl ou pas Rodogyl du tout

    Etre ou ne pas Etre?

    Etre ou Disparaitre?

    En tous cas, on fait pas de Hamlet sans casser des Oeufs.

    Signé:
    un Antiobiothérapiste Résistant

    1. guillaumegm@hotmail.com .

      Bonjour Bruno et merci pour ces habiles jeux de mots.
      Aux nombreuses questions que vous posez, il est difficile de répondre car il n’existe malheureusement pas de règles fixes, immuables et acceptées par tous concernant la prescription antibiotique.
      On peut dégager quelques recommandations communes et partagées par la communauté scientifique mais un court article comme celui-ci (et a fortiori la rubrique des commentaires) ne peut pas prétendre en faire le tour complet et exhaustif…
      D’ailleurs, l’idée centrale de l’article est que la prescription antibiotique est très supérieure aux besoins réels et on pourrait bien assister à l’apparition de problèmes sanitaires dans le futur…
      Je cite d’ailleurs, pour tous les lecteurs de Dentalespace, une info parue dans l’Information Dentaire datée du 18/5/16 :
      “Le tiers des prescriptions antibiotiques aux USA serait inutile selon une étude publiée le 3 mai par le site internet du Journal of the American Medical Association. Les chercheurs des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ont analysé 262 millions d’ordonnances prescrites en 2010-2011 par des médecins hospitaliers. Sur un échantillon de 184032 consultations, 12,6% ont donné lieu à une ordonnance pour des antibiotiques, dont un tiers ne se justifiait probablement pas. Ils étaient prescrit pour des pathologies souvent virales : sinusites, pharyngites, maux de gorge…”

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