
Le CPC dans un bain de bouche : vers un nouveau geste barrière ?
Étude Par Pr Michel Sixou, Pr Vincent Thibault le 11-01-2021Par quel mode d’action le CPC (Chlorure de CétylPyridinium) agit-il sur le SARS-CoV-2 ?
Le CPC est un antiseptique qui appartient à la famille des tensio-actifs cationiques. Il a la caractéristique de déstabiliser les membranes lipidiques des virus(1, 2). Le SARS-CoV-2, qui est le virus responsable de la Covid-19, est un virus dit enveloppé c’est à dire protégé par une double couche de lipides dans laquelle sont enchâssées des glycoprotéines. Ces glycoprotéines sont les récepteurs d’entrée dans les cellules hôtes. Le CPC va provoquer une destruction de cette membrane virale et ainsi inactiver la clé d’entrée dans la cellule hôte qui s’appelle la glycoprotéine Spike(1). Le virus est rendu ainsi inactif.
Qu’est-ce que l’étude d’Unilever nous apprend au sujet du CPC ?
• L’étude d’Unilever est intéressante car elle confirme selon une méthodologie rigoureuse et en suivant une norme internationale que le CPC, utilisé dans des bains de bouche, possède une activité virucide.
• Cette étude conforte des données acquises récemment sur la potentialité du CPC à détruire l’infectiosité des coronavirus dont le SARS-CoV-2 et surtout que cette action est maintenue à de faibles concentrations de CPC, telles que celles retrouvées dans les bains de bouche(3,4).
• En pratique cela veut dire qu’en utilisant ces composés localement, on peut réduire de façon significative la quantité de virus infectieux présente à un instant donné.
• Il est toutefois important de savoir que la quantité de virus présente dans la bouche peut être très importante et qu’il n’est pas démontré que ces composants élimineront la totalité des virus(5). Toute diminution de la quantité de virus est quoiqu’il en soit bénéfique.
En quoi la technologie CPC pourrait-elle contribuer aux gestes barrières ?
• Les composants contenant du CPC vont diminuer localement la quantité de virus présente à un instant donné.
• A ce jour, nous ne connaissons pas précisément la durée d’efficacité de ces produits mais des expériences sont en cours. Plus le produit aura une efficacité longue, plus ce sera intéressant.
• Ainsi, on peut envisager qu’en se gargarisant avec le bain de bouche qui contient un produit virucide pendant une trentaine de secondes, on diminuerait la quantité de virus présente dans la bouche et ainsi on limiterait la quantité de virus émise lorsque l’on parle ou qu’on postillonne par exemple.
• Associée aux autres mesures barrières, comme le port du masque ou la distanciation sociale, cette action de destruction locale de virus réduirait un peu plus le risque de transmission du virus.
Comment la technologie CPC pourrait-elle améliorer la maîtrise de la contamination dans les cabinets dentaires ?
Le cabinet dentaire est un lieu de concentration des risques de transmission du SARS-CoV-2 heureusement parfaitement maîtrisé par les procédures utilisées par les chirurgiens-dentistes.
Des articles scientifiques ont démontré la présence du SARS-CoV-2 en quantité importante dans les glandes salivaires et dans la salive(6, 7). Donc toute intervention sur la cavité buccale présente un risque de diffusion du virus et encore plus si ces actes génèrent des aérosols. L’utilisation d’un bain de bouche qui réduirait la charge virale de 99,9%(8) avant de commencer un soin bucco-dentaire pourrait donc réduire d’autant le risque de transmission du coronavirus. Ce geste associé aux autres procédures utilisées par tous les chirurgiens-dentistes, contribuerait à renforcer la maîtrise de la contamination en cabinet dentaire(6). Ce geste préventif pourrait également faire l’objet d’une recommandation par les dentistes auprès de leurs patients à propos des mesures d’hygiène bucco-dentaire à mettre en œuvre à domicile. Cela contribuerait à renforcer les gestes barrières limitant la transmission du SARS-CoV-2.
En dehors de la diminution du risque de transmission évoquée précédemment, peut-on voir d’autres effets bénéfiques à cette réduction de charge virale ?
• L’effet attendu de ce type de produit au niveau local est uniquement de réduire la quantité de virus dans la bouche. Il n’aura évidemment aucun effet sur le développement de la pathologie ou sur l’infection de l’individu lui-même puisque le virus va surtout se multiplier au niveau pulmonaire. L’efficacité principale sera donc sur la potentielle diminution de la transmission du virus au moment où celui-ci est détruit.
• L’autre effet, qui est cependant moins documenté mais très intéressant, est que la transmission d’une plus petite quantité de virus chez une personne susceptible à l’infection entraîne chez celle-ci une symptomatologie moins sévère(9). Cet effet a été démontré dans des situations où des personnes portent un masque.
• Le masque diminue la quantité de virus émise par une personne et cela serait associé chez la personne contaminée à un risque moindre de développer une forme grave de la maladie.
• Ainsi, l’émission d’une quantité moindre de virus par une personne ayant fait un bain de bouche contenant du CPC pourrait limiter le risque d’engendrer une forme grave de l’infection.
• Quoiqu’il arrive, cela ne doit pas faire oublier les mesures de précautions aujourd’hui recommandées; l’action locale du CPC sera simplement une manière complémentaire de limiter la transmission du virus, en particulier dans des situations à risques lorsque le port du masque est impossible.
Quelles sont les professions médicales autres que dentaires qui pourraient bénéficier de ce geste barrière complémentaire ?
Ce nouveau geste barrière qui consiste en un bain de bouche(10) avec du CPC pourrait bénéficier à tous les professionnels de santé qui interviennent sur la cavité buccale ou à proximité(6). En plus des chirurgiens-dentistes, ce geste barrière pourrait apporter un bénéfice aux Otorhinolaryngologistes, aux Anesthésistes-Réanimateurs et aux personnels paramédicaux d’établissements sanitaires contribuant à l’HBD. La facilité de mise en œuvre de ce geste barrière complémentaire, sa rapidité, son coût faible et son potentiel en termes d’efficacité devraient le faire rapidement adopter par de nombreux professionnels de santé.
Références :
(1) Valerie B. O’Donnel, David Thomas, Richard Stanton, Jean-Yves Maillard, Robert C. Murphy, Simon A. Jones, Ian Humphreys, Michael J.O. Wakelam, Christopher Fegan, Matt P. Wise, Albert Bosch, Syed A. Sattar – Potential Role of Oral – Rinses Targeting the Viral Lipid Envelope in SARS-CoV-2 Infection – FUNCTION, 2020, 1(1): zqaa002 – doi:10.1093/function/zqaa002
(2) A. Vergara-Buenaventura, C. Castro-Ruiz – Use of mouthwashes against COVID-19 in dentistry – British Journal of Oral and Maxillofacial Surgery 58 (2020) 924–927
(3) Statkute E, Rubina A, O’Donnell VB, Thomas DW, Stanton RJ. Brief Report: TheVirucidal Efficacy of Oral Rinse Components Against SARS-CoV-2 In Vitro [Internet].Microbiology; 2020 nov [cité 21 déc 2020]. Disponible ici.
(4) Meyers C, Robison R, Milici J, Alam S, Quillen D, Goldenberg D, et al. Lowering the transmission and spread of human coronavirus. J Med Virol. 5 oct 2020;jmv.26514.
(5) To KK-W, Tsang OT-Y, Yip CC-Y, Chan K-H, Wu T-C, Chan JM-C, et al. Consistent Detection of 2019 Novel Coronavirus in Saliva. Clin Infect Dis. 28 juill 2020;71(15):841‑3.
(6) F. Carrouel, L.S. Gonçalves, M.P. Conte, G. Campus, J. Fisher, L. Fraticelli, E. Gadea-Deschamps, L. Ottolenghi, and D. Bourgeois – Antiviral Activity of Reagents in Mouth Rinses against SARS-CoV-2- Journal of Dental Research -First Published October 22, 2020 – Disponible ici.
(7) David Herrera, Jorge Serrano, Silvia Roldán, Mariano Sanz – Is the oral cavity relevant in SARS-CoV-2 pandemic?- Clinical Oral Investigation – Disponible ici.
(8) Greena, G. Robertsa, T. Toberyb, C. Vincentb, M. Barilic and C. Jonesc – In vitro assessment of the virucidal activity of four mouthwashes containing Cetylpyridinium Chloride, ethanol, zinc and a mix of enzyme and proteins against a human coronavirus – Disponible ici. doi: bioRxiv preprint
(9) Bielecki M, Züst R, Siegrist D, Meyerhofer D, Crameri GAG, Stanga Z, et al. Social Distancing Alters the Clinical Course of COVID-19 in Young Adults: A Comparative Cohort Study. Clin Infect Dis. 29 juin 2020;ciaa889.
(10) Xian Peng, Xin Xu, Yuqing Li, Lei Cheng, Xuedong Zhou and Biao Ren – Transmission routes of 2019-nCoV and controls in dental practice – International Journal of -Oral Science (2020) 12:9 – Disponible ici.
Cet entretien des Pr Michel Sixou et Pr Vincent Thibault a été réalisé avec le soutien institutionnel d’Unilever.