
Journée du cœur – Entrevue avec Hélène Rangé
Interview Par Dentalespace le 04-10-2017A l’occasion de la journée mondiale du cœur, nous avons rencontré Hélène Rangé, praticien spécialisée en parodontologie. Investie dans la recherche sur la relation entre les maladies générales et les maladies parodontales, elle a accepté de répondre à nos questions lors d’une entrevue exclusive.
Bonjour Hélène Rangé, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis maître de conférences, praticien hospitalier en parodontologie à l’hôpital Rothschild et à l’Université Paris Diderot Paris 7. Mon activité clinique se porte essentiellement sur la parodontologie et l’implantologie chirurgicale. Mes domaines de recherche se portent plutôt sur les relations entre les maladies générales et les maladies parodontales.
Quels sont les liens entre les problèmes cardiaques et l’hygiène bucco-dentaire ?
Quand on parle de lien entre les maladies générales comme les cardiopathies et les maladies parodontales, il est nécessaire de le regarder de deux différentes façons.
Tout d’abord, les études épidémiologiques, qui révèlent que des patients ayant des problèmes cardiaques vont présenter plus souvent que les autres des problèmes dentaires. Et inversement, que les patients ayant des problèmes dentaires vont présenter plus de problèmes cardiaques que les autres.
Il existe un autre type de relation, où l’on va chercher quels peuvent être les mécanismes biologiques qui pourraient expliquer ce lien. En effet, ce n’est pas tout de décrire le lien, il faut aussi pouvoir l’expliquer. Aujourd’hui, ce qui est intéressant dans les maladies cardiovasculaires, c’est que l’on dispose du point de vue épidémiologique d’informations qui sont de très bonne qualité, qui sont reconnues dans le monde dentaire ainsi que dans le monde médical.
On sait aujourd’hui qu’avoir une inflammation d’origine infectieuse au niveau de la bouche va augmenter le risque d’avoir une complication cardiovasculaire chez les patients. Et on arrive notamment à faire ce lien pour les patients les plus jeunes, c’est-à-dire ceux qui ont moins de 65 ans.
On dispose également de beaucoup d’études qui nous montrent une réalité biologique permettant d’expliquer ce lien. Cela passe par deux grands mécanismes :
• Première hypothèse : un mécanisme inflammatoire.
Le fait d’avoir une maladie parodontale dans la bouche va s’exprimer d’un point de vue local en augmentant l’inflammation des gencives (saignements, rougeurs). Cette inflammation locale va être diffusée via des médiateurs, plus précisément des molécules, qui vont diffuser dans la circulation sanguine et vont augmenter l’état inflammatoire du patient, et de ce fait concourir à ces complications cardiovasculaires.
• Deuxième hypothèse : un mécanisme bactérien.
Ce n’est pas seulement l’inflammation, mais également les bactéries que l’on appelle bactéries parodonto-pathogènes qui sont propres à la maladie parodontale. En effet, ces bactéries ont été retrouvées dans un certain nombre de tissus cardiovasculaires, dans différentes études et différentes populations. Elles pourraient avoir un rôle important dans le mécanisme des complications cardiovasculaires.
Les maladies parodontales sont-elles évitables ?
C’est un sujet qui intéresse beaucoup non seulement les dentistes, mais également les médecins et le grand public. Les maladies parodontales sont très fréquentes et touchent un adulte sur deux, ce qui est paradoxal car ce sont des maladies éminemment évitables : on a aujourd’hui toutes les clés et les solutions pour éviter ces maladies.
La meilleure prévention des maladies parodontales, c’est d’éliminer les facteurs de risque majeur de ces dernières, notamment l’accumulation de la plaque dentaire, qui est le facteur étiologique des maladies parodontales. La meilleure façon de la prévenir réside dans les manœuvres d’hygiène orale : un brossage bi-quotidien avec une technique efficace est recommandé car il permet d’éliminer 80% de la plaque dentaire. Cela permet de garder un état parodontal compatible avec la santé des gencives, mais également avec la santé générale.
Cependant, la prévention des maladies parodontales ne passe pas essentiellement par l’hygiène orale, mais également par l’hygiène de vie : une réduction voire une cessation de la consommation de tabac, une alimentation équilibrée et de l’exercice physique. C’est l’hygiène de vie qui va permettre d’éviter à la fois les maladies parodontales et les maladies cardiovasculaires.
Existe-t-il des facteurs génétiques pour ces maladies ?
On pourrait croire qu’il y a un terrain génétique qui soit commun pour les maladies cardiovasculaires et les maladies parodontales. Il existe des études sur ce sujet, mais on ne dispose pas encore de quelque chose de spécifique à l’heure actuelle. Il semble qu’il y ait une part génétique de susceptibilité aux maladies parodontales, mais qui reste faible par rapport à cette part de bactéries et hygiène de vie.
Est-ce qu’on connaît des éléments capables d’améliorer l’hygiène bucco-dentaire ?
On ne connaît pas de molécule qui permette de contrebalancer l’effet de l’accumulation de la plaque dentaire. La seule manière efficace, c’est d’éliminer mécaniquement la plaque dentaire car il s’agit du facteur étiologique. D’un autre côté, il existe beaucoup de travaux sur les probiotiques dans l’alimentation, qui permettraient de favoriser le maintien d’un microbiote compatible avec la santé. On a sur ce sujet des données qui semblent aller dans le bon sens, mais cela reste encore prématuré pour le moment.
Est-ce que le chewing-gum peut aider à éliminer la plaque dentaire ?
C’est de la prévention primaire qui peut se révéler intéressante. La prévention est extrêmement importante, même chez un patient qui ne présente pas encore de maladie parodontale. Deux brossages par jour avec une brosse à dents souple et du dentifrice fluoré prévient notamment les caries, mais l’UFSBD recommande également de mâcher des chewing-gum entre les repas, ce qui va favoriser l’élimination mécanique de la plaque dentaire, et augmenter la salivation. La salive contient des molécules anti-inflammatoires et de défense, ce qui explique pourquoi les patients qui ont peu de salive présentent plus de problèmes cardiovasculaires et de maladies parodontales.