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Les Chroniques de PAL #4 – Un grand môman

le 31-08-2017

Dans la vie d’un chirurgien-dentiste, il y a des hauts, des bas, des prises de têtes et des coups de cœur. Mais il y a aussi beaucoup d’humour ! Les Chroniques de PAL, c’est justement ces petits moments de la vie d’un confrère qui prend la vie au 3ème degré, avec une plume acérée, des propos très imagés et une passion certaine. Régulièrement le Dr PAL nous fera l’honneur de partager avec nous ses “Cas cliniques”, pour notre plus grand sourire !

Les Chroniques de PAL

On devrait légaliser l’euthanasie dès lors que la limite du supportable est dépassée.

Or, là, tout le monde vous le dira, même le plus flegmatique de ses larbins : la mère Paulette, elle vous déchiquette le système en moins de deux. Elle est pétée de thunes, mais personne ne peut la renifler. Alors entre nous, j’ vois pas où serait le problème éthique si le fiston, qui l’a sur le paletot toute la journée, manigançait en loucedé pour lui prématurer la calanche !
Quel lavement !

M’enfin, lui, il est blindé par l’habitude: à cinquante berges, il est encore jamais sorti de chez môman. C’est une brave lopette à l’air bonasse, avec un QI de 22, pile-poil entre la langoustine et le chinchilla. Ce peigne-moumoute est toujours attifé en bariolé, falzar rouge trop court découvrant des socquettes vert-pomme, chemise de satin à motifs mauves sur marcel à trous, boutonnée jusque sous la pomme d’Adam. C’est flashy, ça pique les yeux ! Décidément, tous les goûts sont dans la nature, surtout les goûts de chiottes ! Et comme il est pustuleux, qu’il a le pif crochu, les esgourdes en paraboles et  le menton en galoche, personne se demande pourquoi il a jamais trempé le boudoir !

Ce polichinelle a été tellement jouass de la couronne tout fer que j’y ai collé sur la première prémole l’année dernière- sans dèc, j’ai bien cru qu’il allait se mettre à danser la Macarena ! – qu’il m’amène aujourd’hui sa doche. Merci du cadeau !

Le débris est affalé sur son fauteuil roulant avec une trogne revêche. Une vraie tête de vomi ! Au lieu de répondre aimablement à mes plats hommages, elle préfère enguirlander le rejeton qui ne prend pas assez de précautions avec ses frusques.

 

«Allez, Môman, on y va ! » fait-il pour lui claquer le beignet, en m’adressant un sursaut de cils doublé d’un soupir d’exaspération aiguë. Quelque chose me dit déjà qu’on va pas donner dans la dentisterie de grand luxe avec la sujette !

Mazette, elle a une de ces bedaines ! Si elle avait cinquante piges de moins, j’ lui aurais sûrement demandé dans combien de jours elle devait dépoter le gluant ! Mais l’âge de Madame est avancé, alors je diagnostique plutôt une dilatation kronenboïde de l’estogome.

Il est temps de cuisiner la patiente sur le motif justificatoire de sa présence en ces lieux.
« Alors, Madame, que me vaut le… »
« Docteur, Môman entend très mal. » me coupe l’arlequin.
Ah !? Soit, je m’approche du pavillon de la croulante, pour lui beugler dans le poste, mais elle me sèche :
« J’ai très bien entendu !! Et ben tout va mal ! Y a rien qui va ! C’est les intestins, c’est les yeux, c’est les dents, ah j’ vous dit qu’ j’en ai marre ! »

Je vois, l’amie, tout part en croûtes !

« Bien, peut-être pourrions-nous installer votre môman sur le fauteuil ? »
« Oh laissez, j’ai l’habitude de faire ça tout seul. »

Le vieux gars approche la charrette du billard en un créneau habile, empoigne la ronchon sous les bras, soulève doucement (car elle a des escarres, Paulette), lorsque soudain,  prrrôôôt ! La décrépite nous lâche une de ces perlouzes ! Maison ! Une vraie mise à feu de décollage ! Tiens, fiston, prends ça dans l’ priseur ! J’aurais du m’en douter, c’était une grossesse gazeuse !

Heureusement que l’assistante vaque ailleurs ! Nul ne pouffe, nul ne moufte. Pas fou, je fais mine de pianoter informatique quelques minutes, des fois qu’elle continuerait à nous jouer du fayophone discrètement. Puis, en priant que le schlingo-cumulus soit entièrement dissipé, je m’approche prudemment du champ opératoire.
«  Bien, alors ? » gueule-je.
« Tout va mal ! » ronchonne encore la pétowoumane, avant de se mettre deux doigts dans la margoule pour en extraire un vieux partiel en plastoc recuit. Y a plus un seul crocheton, mais pas besoin de Polident, il est collé depuis la libération à la rillette pur-porc.
Z’ ont parié de me faire dégobiller, ou quoi ?
« Ça tient pu et j’ai mal, j’ peux pas manger ! » m’assène t-elle comme si c’était ma faute.
Tu m’étonnes ! Avec un râtelier pourri incrusté dans la barbaque saignante !

Comme la vieille a les portugaises ensablées, je me retourne vers le benêt et communique : « Votre mère douille, c’est normal, où iatrogène y a pas d’ plaisir ! Faut remplacer la pièce. »
« D’acc, Doc, mais est-ce que ça peut être fait très rapidement, Môman doit rentrer à l’hôpital dans une dizaine de jours ? »
« C’est comme si c’était fait ! »
Vas-y, Paulette, rince-toi les fils blancs et la purée, avant que je t’enfourne une louchée d’hydrocolloïde dans le déglutoir !

Quoi ? C’est pas bon ? J’ t’en fous, c’est un alginate à la vanille ! De toute façon, t’es pas au resto ! Allez, raouss,  mise en bouche et addition dans huit jours !

Quand son fieu l’a refoutue sur son caddy, Paulette nous a tiré une dernière rafale.

A lire aussi : 
Les Chroniques de PAL #1 – Une famille en or
Les Chroniques de PAL #2 – Litige
Les Chroniques de PAL #3 – L’espingouin

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Les Chroniques de PAL #3 – L’espingouin

le 23-05-2017

Dans la vie d’un chirurgien-dentiste, il y a des hauts, des bas, des prises de têtes et des coups de cœur. Mais il y a aussi beaucoup d’humour ! Les Chroniques de PAL, c’est justement ces petits moments de la vie d’un confrère qui prend la vie au 3ème degré, avec une plume acérée, des propos très imagés et une passion certaine. Régulièrement le Dr PAL nous fera l’honneur de partager avec nous ses “Cas cliniques”, pour notre plus grand sourire !

Les Chroniques de PAL

Norme allemande, après un mois de vacances, on devrait tous péter la niaque. Ben pas moi !

D’abord, rien que d’avoir deux trucs à penser en même temps, ça me farcit le chou, y a surchauffe dans la cervelle. Deuzio, même le matos n’a pas envie de se remettre à besogner. Tout merdoie : le computeur ne s’allume pas, l’aspi n’aspire pas, la zouillette ne zouille pas, et j’en passe…Troizio, la patientèle me saute dessus pour m’accabler des ses pépins dentaires. Ah elles sont loin, les randos du matin sur les petits sentiers côtiers de la Cornouaille !

Oui parce que l’Espagne, ter-mi-né ! Disons-le franco : l’espingouin est fourbe. D’accord, y a la calor, y a la cerveuzâ, la sangria et la paëlla. D’accord, l’autochtone roucoule comme Roulio Essuiglas, mais faut pas s’y fier ! N’omettons jamais que l’Ibère n’aime rien tant que de massacrer le bovidé.  Il exulte quand un maigrichon sapé en poiscaille se trémousse autour d’un bestiau transpercé de partout et agonisant au bout de sa fressure. Z’ont l’ goût du sang, ces mecs-là ! Et puis l’Ibère est en colère, c’est congénital. Y a qu’à voir, même quand il pourrait tranquillos guincher une p’tite java avec sa bonne femme, ben non, faut qu’il tire une tronche de bandit corse en pétard et qu’il file des grands coups de talon au parquet !

J’étais déjà circonspect. Mais le coup de grâce, l’estocade, c’est M’sieur Ramirez qui me l’a portée ! Voilà un gars qui, en dépit d’une paralysie des zygomatiques, ne semblait pas nerveux pour une pésète. L’avait plutôt l’air bonasson d’un retraité pépère. Eh ben il a bien failli me balancer un pilon dans le groin, en version Cassius ! Oyez plutôt :

L’individu est un vieux client de la boutique, puisqu’il a connu feu mon prédécesseur à ses débuts dans le turbin. Il a beau vaquer dans l’Hexa-Gaule depuis quarante piges, on comprend toujours que dalle à quoi qu’y dit, tellement qu’il bouffe toutes les consonnes comme s’il avait dix dragées dans le clapoir. Environ une fois de temps en temps, il sollicite nos hautes compétences, mais c’est juste pour un piquotis ou un grattouillis, vu qu’au niveau de la tritureuse, c’est quasi un hippopotame: un massicot carré surpuissant, des pavés mastoques, aplatis et jaunasses, mais en granit. Tout est donc désespérément inexploitable pour l’homme de l’art, sauf une vieille couronne en ferraille sur 26, datant probablement de la dictature du Godillot, qui ne lui cause aucun tracas mais qui n’ a pas suivi la gencive dans son ascension de trois millimètres. Alors, étant de l’école holistico-consciente, j’y explique à chaque fois qu’il serait de bonne dentisterie, nonobstant a fortiori ipso facto stricto sensu, de remplacer l’antiquité par une pièce high-tech dont la rutilance le disputerait à la durabilance.

Or donc, l’hispanique se pointe dernièrement, me baragouinant qu’il se décide enfin à suivre mon docte conseil.
« Voilà qui est sage, amigo mio ! Ouvrez donc la bouche, pour faveur. »

Action !
Légère cocaïnisation de la zone pour le bien-aise du sujet, une petite fentillette, comme dans du beurre, sur la face externe de la bague dysajustée, un petit trohu sous le plafond, et Wam ! Je décapsule l’organe avec la virtuosité et le fignolé du geste par lesquels on reconnaît la signature exclusive du clinicien de haut vol.
Jubilation ! Le meugnon est intact, totalement momifié par l’oxyphosphate !

Nous dépouillons a minima, et clichons aux fins d’analyser finement l’endodonte : nous avons à faire, très probablement, à une bonne vieille pâ-pâte eugénolée, mais elle fut si magistralement lentulée jusqu’aux constrictions que les trabécules environnantes en sont visiblement benoîtes.

Y a pu qu’à !

Tandis que Rosé – c’est son préblase, défense de rire ! – molarde bruyamment, je procède aux malaxage et spatulage classiques. Bite-tray dedans le site, j’emprunte la wash classique : du hard d’abord, puis, trois minutes plus tard, je décharge et réitère l’opération, mais tout en ductilité. J’invite enfin le transpyrénéen à riper ses galoches pour reviendre la semaine suivante.

Béni soit mon proto ! Le joyau inoxydable et étincelant s’ajuste alors au quart de poil et je le sertis sur le chicot en moins de deux. Olé !

Assistante ! La couenta pour le signor !

Mais z’hélas !
Quinze jours plus tard, le dit-Ramirez nous tube et reprend rencard au motif qu’il aurait mal en briffant de la bidoche. Il a qu’à boulotter du poisson, me direz-vous, mais j’ulcérise, car je subodore qu’il va me désarçonner par la couillonnade habituelle : « J’avais pas mal avant, j’ai mal après. C’est quand même pas normal ! »

Le lendemain, el hombre déboule en tirant la renfrogne. Gardant ostensiblement un air aussi serein que rompu à ce genre de désagrément post-op, j’y cause de la petite arthrite passagère, prend une p’tite radio (RAS), sous-occluse et le reconduis à l’huis avec une p’tite boîte de Nurofen. Vouaaaalà ! Allez, adios, hein !

Mais Pal, en lui-même, de fumer par les portugaises, car, par St Ptôme, qu’est-ce-que-c’est-que-ça-que-c’est ? Y a pas de surocc, y a pas un angström de libre pour un quelconque microbilcule, et je n’ai que caressé ce chical ( des chicots) silencieux depuis un demi-siècle. Alors, quoi ? Pur cinoche ? Masticage intempestif sur une carne trop cuite ? Je me perds en jectures pendant trois jours, puis, emporté par le tourbillon de la vie, oublie le cas clinique.

Mais z’hélas !
Quinze jours plus tard, le dit-Ramirez déboule sans prévenir sur les couilles de midi. Pas glop! D’autant que l’assistante vient m’informer que son faciès de toro fumant des naseaux n’augure pas franchement de cordiales dispositions. Fichtre ! Flageolant dans mon bénouze, le palpitant en pompage maximum, j’affronte avec bravoure un véritable fauve au regard assassin.
« Il arrive parfois, cher monsieur, qu’un minime – mais pernicieux, je vous l’accorde- réveil infectieux accompagne un tel acte opératoire. Aussi je vais vous prescr… »
« J’en ai malle de vos complimés !! Vous m’allachez la dent !! Tout de suite !!! J’ paltilai pas d’ici !!! » beugle en bavant le forcené.

Ah, douceur andalouse !

Pendant que, flegmatique, je me repeigne sommairement et m’éponge la face qui dégouline de postillons castillans, mon cortex analytique me souffle les éléments du dilemme.

Mon Pal, me dit-il :

  • soit tu tentes, par deux manchettes, un Double-Nelson et une clé à la verge, de maîtriser la brute épaisse pour l’éjecter manu dentisteri. Mais le mobilier va morfler !
  • soit tu phones les poulardins, mais ça manque un peu de chevalerie.
  • soit, dans un esprit de paix et de préservation des intégrités physiques, tu exauces le désir clairement ci-exprimé du client.

Je suis ceinture jaune de yoga, de gabarit mi-mouche et de tempérament câlin. J’ai avulsé.

A lire aussi : 
Les Chroniques de PAL #1 – Une famille en or
Les Chroniques de PAL #2 – Litige

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Les Chroniques de PAL #2 – Litige

le 21-03-2017

Dans la vie d’un chirurgien-dentiste, il y a des hauts, des bas, des prises de têtes et des coups de cœur. Mais il y a aussi beaucoup d’humour ! Les Chroniques de PAL, c’est justement ces petits moments de la vie d’un confrère qui prend la vie au 3ème degré, avec une plume acérée, des propos très imagés et une passion certaine. Régulièrement le Dr PAL nous fera l’honneur de partager avec nous ses “Cas cliniques”, pour notre plus grand sourire !

Les Chroniques de PAL

Au début, forcément, ça me lancine en profondeur le parasympathique. Mais finalement, j’aime bien quand le pisse-froid me cherche des crosses. Cela me permet, en deux temps, trois mouvements et quatre arguments, d’envoyer péter l’atrabilaire qui, en général, a commencé à beugler avant d’avoir réfléchi.

Tiens, pas plus tard que l’été dernier, un pauvre gonze à qui on réclamait 80 zeuros depuis dix mois nous briefe qu’il « monte un dossier » contre nouzôtes. Oh, la belliqueuse entreprise! Oh le fourbe coup de Jarnac ! Tu me cherches, scélérat d’égout ? Tu crois me foutre les copeaux ? Foi de Pal , tu t’en mordras les dents !

Et quels sont donc les motifs capillo-tractés qui amènent ce félon à me canarder dans le dos ? Un confrère aimable et solidaire consulté en urgence, diagnostiquant une péture prémolo-radiculaire, lui aurait –restons prudent- doctement exposé que la cause unique du sinistre était clairement identifiée : un malencontreux screw-post en laiton, « erreur de débutant » dixit le sus-dit bon camarade.

Je me marre !

Second prétexte à belligérance, sa mutuelle lui aurait indiqué qu’elle estimait à dix ans la durée « normale » des prothèses qu’elle remboursait ! Comprenez qu’un blème après seulement deux piges, ça signe de facto une faute lourde.

Je pouffe !

Troisième argumentation : s’il a enfouillé sans scrupule l’oseille du remboursement alors qu’il ne nous avait même pas ciglé (on lui avait fait confiance par mégarde), c’est que : « la Sécu me devait bien ça. » !

Je m’esclaffe !

La parole étant à la défense, j’éclate l’imprudent en trois phrases :

Sache d’abord, visqueux procédurier, que Pal n’a pas un seul de ces antiques pitons dorés dans son arsenal depuis deux décennies ! Ici, l’on titanise ! Comme je n’ai jamais touché à cette ratiche, y a gourance ou malveillance.

Apprends par ailleurs, lubrique querelleur, qu’un assureur n’a qu’une seule compétence reconnue : l’invention de subterfuges pour ne pas raquer.

Enfonce-toi enfin dans le bocal, vil chicanier, que la sécu ne te doit pas une pépète, et que c’est bibi que tu as truandé !

N’y vois aucune espèce de menace, mon p’tit pote, mais cogite un brin : que pèserait ton pitoyable « dossier « contre celui qu’un malveillant pourrait monter à ton encontre : escroquage, manœuvres fraudulières, diffamerie envers un service public, détournation de fonds, accusages mensongers, abuserie de confiance, colportement de fausses nouvelles, propos dentistophobes, et j’en passe. Tu sais que ça va chercher loin, tout ça ?

T’as du fion : je suis d’humeur estivale, et la seule idée du rosé frais qui m’attend m’adoucit les sangs. Mais faudrait pas me titiller beaucoup plus, je pourrais vite basculer dans la franche contrariété.

Là-dessus, le Mickey va forcément m’implorer à genoux de l’absoudre. Je suis magnanime. Allez, un « Notre Pal », deux « Je vous salue, Docteur », et ne recommence pas !

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Les Chroniques de PAL #1 – Une famille en or

le 18-01-2017

Dans la vie d’un chirurgien-dentiste, il y a des hauts, des bas, des prises de têtes et des coups de cœur. Mais il y a aussi beaucoup d’humour ! Les Chroniques de PAL, c’est justement ces petits moments de la vie d’un confrère qui prend la vie au 3ème degré, avec une plume acérée, des propos très imagés et une passion certaine. Régulièrement le Dr PAL nous fera l’honneur de partager avec nous ses “Cas cliniques”, pour notre plus grand sourire !

Chroniques de PAL une famille en or

Veerteu campâââgne, où j’ai débutéééé….

Avril 83. Le docteur PAL vient d’inaugurer, il y a deux mois à peine, son premier magasin, « Au bon plomb », sis au beau milieu du trou de balle du département. Il s’agit d’un micro bled paumé au milieu de nulle part, en pleine cambrousse, à cent bornes de tout indice de civilisation. Ici, c’est comme dans les îles, y a pas grand monde, mais c’est pas les cons sanguins qui manquent !

Bouseux de père en fils, l’autochtone du coin ne sort la Visa caca d’oie de la grange que pour aller au foirail ou « au dentiss ». Mais pour le « dentiss », y faut que ça vaille le coup ! Autrement dit, faut que même les « gargarisses » au rouss-cougnouss, au boujaron ou à la goutte n’antalgisent plus rien.

J’ai devant moi la famille Lerbette (sic) au grand complet. Ça ne fait que trois spécimens, mais attention, pittoresques !

R’né, le daron, est un gros rougeaud au crâne laiteux sous la gâpette. Je ne sais pas si c’est son after-chèvre ou quoi, mais il vaporise dix mètres alentour une brise de lisier à donner des hauts-le cœur à un rat d’égout. Au niveau mental, pour schématiser, je dirais que c’est un surdoué tellement qu’il est con !

Faut dire que, une fois qu’il a pansé ses bestiaux, il passe plus de temps à écluser du rouge qu’à cogiter sur le structuralisme. Je le trouve accoudé au rade du caboulot du coin à chaque fois que j’y vais m’y jeter un caoua. A mon avis, il a le gosier taillé dans l’éponge. On peut même pas dire qu’il le siffle cul sec, son godet de Jolijolais, c’est autre chose, il le pompe, il l’aspire, il le gobe. J’ai bien regardé : il commence par darder des loches de chimpanzé qui veut faire la bise, et il attrape son glass par la face distale, entre deux doigts. Puis il le lève au ralenti, hyper concentré, en le lorgnant fisquement. On sent que, durant cette phase ascendante, le soiffard se prépare mentalement à engorger : « Attention, ma glotte, encore une giboulée ! » Et quand il a le canon de rouquemoute sous le tarin, brutalement, d’un coup sec, avec un double mouvement synchrone de coup de poignet pronatif et de coup de boule arrière, il se propulse les douze centilitres d’un bloc derrière la pomme des dents. Ça doit même pas lui éclabousser les bords de l’entonnoir !

Ensuite, il expire un long « Ahhhh ! » de satisfaction en claquant son duralex sur le zinc. Et après dix secondes de bruits de bouche divers, il envoie un clin d’œil au tavernier en indexant la fiole de picrate, pour y dire : « Vas-y Nénesse, recharge ! »

Mais bon, quand on lorgne sa fumelle, on l’absout comme un cochon. Parce que la Marie-Jo, y faut vraiment être raide d’équerre pour avoir envie d’y faisander le dindon sans lui mettre la tête dans un sac ! C’est une juste sèche, voûtée, à tifs gras et QI négatif. Elle n’a pas que des défauts, remarquez, elle est muette comme une carpe. Quand on lui cause, elle tourne une trogne bovine vers son blaireau en attendant qu’il trouve un truc idiot à répondre à sa place.

Reste le moutard de six piges, un mix des deux, le pauvre ! C’est un pézanet couperosé et crado, manifestement doué pour la peinture sur soi, mais dont l’activité principale consiste à lichailler du bout de la langue la coulée de morve verdâtre qui lui tombe du renifleur.

Moi je dis qu’avec des vieux pareils, il est mal barré pour le bac, le ptchio ! Et faut pas compter sur l’école : les instits, y z’ont la grève tous les quatre matins ! C’est malheureux à dire, mais de nos jours, les seuls profs qui s’intéressent aux mioches, c’est les pédophiles. Enfin…

« Alors, comme ça, les dents gâtent ? Bon, on commence par qui ? »
« Moué ! »
(Vous aurez déductionné, ceux qui suivent, que c’est R’né qu’a jacté.)

Voyons voir… Et ben c’est pas folichon ! Je ne lui compte que dix pavetons dans la mastiquoire ! Je note donc sur ma fiche : type décadent.

Constatant que tout le restant branle dans le manche, j’évoque, à mots prudents, l’éventualité de la possibilité optionnelle et facultative d’envisager à moyen terme un double berlingotage en rosine premier choix. Mais le patient semble exprimer alors quelques réserves sur mon plan de traitement :
« Un dentchier ? Ah bédame sûr’ment pô, j’en veux pô !!! »

Ça me parait clair !
« Bien. Comme vous voudrez. D’accord. Dont acte ! » que j’y fais.
« Commin ? »
« Je disais… non, rien, c’est bon, vous pouvez descendre. »

Bon, la bonne femme, maintenant. Allez, Marie-Jo, zyva !
Oh putain la cata !
« Bon, ben pour vot’ dame, j’ vous adresse au stomato. »
« Commin ? »
« Faut tout faire enlever à l’hôpital ! »
« Bédame nom de djieu ! Ça va être commode, çâ ! »
Dis-donc, R’né, tu pourrais châtier tes parlures !

En rogne, le pébourg empoigne alors son morveux et le flanque sans ménagement sur la boudeuse. Evidemment, il se fout à brailler et commence à reptiler dans tous les sens. Mais Pal est pro. J’y colle sous le pif un gadget et promets de lui refiler s’il ouvre son sucrier quelques secondes.

Oh la vaca ! Le désastre ! Tout est rongé, arasé, vermoulu !

« Mais c’est pas possible, vous lui donnez que des bonbecs à bouffer, à votre gamin ? »
« C’est qu’il a toujours envie d’ manger, ce p’tit fi d’ garce ! T’entends c ‘qu’ y dit, l’ docteur !! »
« Mais évidemment ! Plus qu’on mange, plus qu’on mange ! Pareil avec moins ! »
« Vous pouvez pô y arranger çâ juste un peu ? »
« Ben non ! Déjà, regardez, faudrait l’anesthésier au maillet ! Et puis, à ce stade, c’est insoignable ! »
« Commin ? »
« Je disais : tout-est-bai-sé ! »
« Ben commin que ça s’ fait, çâ ? »

Ah le coup de blouse !
Ce qui va pas dans la société, c’est les gens ! Ils se rendent pas compte, les coachs, que c’est à cause des gens qu’être pro, c’est dur !

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