Dans cet article, nous examinerons les différentes étapes et les produits nécessaires pour conditionner correctement un intrados en fonction de la nature du matériau prothétique.
Par souci de concision, l’ensemble des techniques citées sont illustrées, à titre d’exemple, par le protocole de collage Variolink Esthetic (Ivoclar).
Lors d’un protocole de collage de prothèse conjointe céramique, la surface d’adhésion de la restauration (intrados) doit être conditionnée avant assemblage. Ce prétraitement constitue la base d’une adhésion performante et pérenne. Le type de conditionneur d’intrados requis dépend de la nature du matériau constituant la restauration prothétique.
Les vitrocéramiques et les zircones sont des biomatériaux présentant de nettes différences sur le plan chimique, mécanique et optique, bien qu’elles soient difficiles à distinguer au premier regard. Il est donc primordial de savoir précisément quel matériau constitue l’intrados pour pouvoir y appliquer le conditionneur adéquat.
Cela implique une bonne communication entre le cabinet dentaire et le laboratoire de prothèse.

Pourquoi conditionner un intrados ?
Le conditionnement d’un intrados, quel que soit le type de céramique le constituant, doit toujours répondre à trois objectifs :
• La décontamination de l’intrados après essayage clinique. En effet, avant de chercher à créer une adhésion chimique, il est indispensable d’éliminer toute trace de salive, sang ou autres contaminants. Le simple rinçage à l’eau, même sous pression, ne suffit pas à garantir un collage efficace. L’idéal étant d’utiliser des agents de nettoyage universels efficaces sur tout type de matériaux, tel que Ivoclean® (Ivoclar), ou parfois un simple gel d’acide phosphorique.
• La rugosité de surface de l’intrados permet d’augmenter la surface de collage à échelle microscopique. Cet état de surface rugueux garantit une meilleure liaison micromécanique du composite de collage, comme Variolink® Esthetic (Ivoclar). Cette étape fait appel généralement à des procédés de mordançage chimique (par exemple à l’acide fluorhydrique) ou de sablage.
• L’adhésion proprement dite par création de liaisons chimiques en utilisant des promoteurs de liaison tels que le silane ou le MDP. Ces molécules de « pontage » assurent une liaison chimique forte entre la surface de l’intrados et le composite de collage servant à l’assemblage.
Autrement dit, un composite de collage appliqué sur un intrados non-traité avec ces promoteurs d’adhésion n’aura aucun potentiel adhésif. Il ne collera pas !
On retrouve fréquemment ces monomères d’adhésion silane ou MDP dans les flacons de primer d’intrados tels que Monobond® Plus (Ivoclar). Ces primers ont en plus la capacité de baisser la tension superficielle de l’intrados, c’est-à-dire augmenter la mouillabilité de surface pour permettre un meilleur étalement du composite de collage.
L’oubli ou une mauvaise exécution d’une seule de ces étapes suffit parfois à expliquer des complications cliniques telles qu’un décollement immédiat ou différé ou une infiltration du joint.
Quel protocole pour quel matériau ?
Pour les intrados en vitrocéramique
Exemples de vitrocéramiques :
IPS e.max® CAD (Ivoclar) : bloc usinable en vitrocéramique renforcée au dislicate de lithium.
IPS e.max® Press (Ivoclar) : lingotin de pressée en vitrocéramique renforcée au dislicate de lithium.
IPS Empress® CAD Multi (Ivoclar) : bloc usinable en vitrocéramique renforcée à la leucite.
En fonction des produits que vous utilisez, 2 protocoles de conditionnement peuvent être mis en place pour les intrados en vitrocéramique.
Option n°1 :

Les étapes du protocole :
1 – Après essayage clinique, rincer puis sécher la restauration.
2 – Recouvrir la surface de l’intrados avec le gel d’acide fluorhydrique IPS Ceramic Etching Gel (Ivoclar).
3 – Laisser agir pendant :
• 20 secondes sur IPS e.max® CAD (Ivoclar), bloc usinable en vitrocéramique renforcée au dislicate de lithium, ou IPS e.max® Press, lingotin de pressée en vitrocéramique renforcée au dislicate de lithium.
• 60 secondes sur IPS Empress CAD Multi (Ivoclar), bloc usinable en vitrocéramique renforcée à la leucite.
4 – Rincer abondamment à l’eau.
NB : afin de neutraliser son acidité, l’eau de rinçage récoltée doit être traitée pendant 5 minutes avec une poudre tampon (par exemple le bicarbonate de sodium) avant élimination dans les canalisations.
5 – Sécher.

6 – À l’aide d’un pinceau à poils fins, appliquer une fine couche de Monobond® Plus (Ivoclar), conditionneur universel d’intrados, contenant du silane.
7 – Laisser agir pendant au moins 60 secondes.
8 – Sécher rigoureusement à l’air sec.
Option n°2 :

Les étapes du protocole :
1 – Après essayage clinique, rincer puis sécher la restauration.
2 – À l’aide d’une microbrush, frotter activement Monobond® Etch & Prime (Ivoclar), conditionneur automordançant et silanisant pour vitrocéramique, sur la surface de l’intrados.
3 – Laisser agir pendant 40 secondes.
4 – Rincer abondamment à l’eau.
5 – Sécher rigoureusement à l’air sec.
Les erreurs fréquentes sur les vitrocéramiques
Plusieurs erreurs fréquentes peuvent expliquer le décollement des vitrocéramiques, notamment :
• Le sablage peut fragiliser les vitrocéramiques par amorce de microfissures.
• Le surmordançage de la matrice vitreuse à la suite d’un temps de réaction prolongé de l’acide fluorhydrique. Ce surmordançage se caractérise par des taches blanchâtres à la surface de l’intrados en vitrocéramique. Un double mordançage (par exemple au laboratoire de prothèse puis au cabinet) produit le même effet néfaste. Il convient donc de respecter scrupuleusement le temps de mordançage adapté à chaque type de vitrocéramique.
• L’application du silane sur intrados contaminé. Le silane doit toujours être appliqué sur une surface parfaitement décontaminée (par exemple par action du mordançage préalable) et soigneusement séchée.
• L’oubli de séchage du silane après son application. En effet, la réaction de silanisation est toujours accompagnée de formation de molécules d’eau invisibles à l’œil nu. Donc même si la surface parait sèche, il est crucial de souffler à l’air sec pour sécher cette eau formée.
• L’application de silane en excès, résultant en la formation d’une quantité importante d’eau moléculaire.
• L’utilisation de conditionneurs périmés.
Protocole pour les intrados en zircone
Exemples de zircones :
IPS e.max® ZirCAD (Ivoclar) : disques usinables de zircone multi-poudres (4Y/5Y-TZP pour la Prime Esthetic et 3Y/5Y-TZP pour la Prime) avec dégradé et gradient de résistance mécanique.
Les étapes du protocole :
1 – Après essayage clinique, rincer puis sécher la restauration.
2 – Sabler l’intrados à l’alumine 25 – 70 μm à 1 bar ou 70 – 110 μm à 1,5 bar.
Sableuse à l’alumine.
3 – Rincer abondamment à l’eau et sécher à l’air sec.
4 – Appliquer Ivoclean® (Ivoclar) sur toute la surface de l’intrados, pâte de nettoyage universelle pour materiaux prothétiques.
5 – Laisser agir pendant 20 secondes.
6 – Rincer à l’eau puis sécher à l’air sec.
7 – À l’aide d’un pinceau à poils fins, appliquer une fine couche de Monobond® Plus (Ivoclar), conditionneur universel d’intrados, contenant du MDP.
8 – Laisser agir pendant au moins 60 secondes.
9 – Sécher rigoureusement à l’air sec.
Les erreurs fréquentes sur les zircones
Plusieurs erreurs fréquentes peuvent expliquer le décollement des zircones, notamment :
• L’oubli du sablage ou un sablage qui ne respecte pas les recommandations de granulométrie d’alumine et/ou de pression.
• L’oubli de décontamination de l’intrados.
• Le nettoyage de l’intrados avec un gel d’acide phosphorique. En effet, même si l’acide phosphorique décontamine parfaitement la surface de l’intrados, son utilisation en amont du collage entraine une saturation des sites de liaison du MDP, essentiels au collage.
• L’utilisation d’un conditionneur exempt de MDP. En effet, certains conditionneurs d’intrados réservés aux vitrocéramiques, contiennent uniquement l’agent de liaison silane (inactif sur la zircone).
• L’utilisation d’une colle purement photopolymérisable. Malgré la translucidité relative des zircones modernes, dites « esthétiques », leur opacité ne permet pas la transmission de lumière polymérisante, même à travers de fines épaisseurs.
Conclusion
Le succès du protocole de collage passe avant tout par une bonne connaissance des matériaux prothétiques utilisés et une communication précise entre le laboratoire de prothèse et le cabinet dentaire.
Le décollement tant redouté peut aussi être évité par une simplification des protocoles, réduisant ainsi la probabilité d’erreurs. Les biomatériaux modernes permettent cette simplification, sans compromettre les performances.
Cet article vous est proposé par le Dr Chakib TALEB, responsable scientifique clinical chez IVOCLAR France. Pour plus d’articles d’actualités Ivoclar, cliquez ici.