
L’importance de la posture pour une bonne santé bucco-dentaire
Santé bucco-dentaire Par Adrien Sicard, Christophe Ghrenassia, Sébastien Minne le 28-07-2025La posturologie est l’étude pluridisciplinaire de la posture, de ses dérèglements, ainsi que des capteurs qui nous permettent de nous maintenir en équilibre : le système sensori-moteur.
Le bilan postural est un examen complet qui consiste à étudier l’ensemble de la posture d’un individu. Cet examen clinique constitue un outil de diagnostic pour le praticien. Il n’a pas pour but de traiter un trouble postural, une douleur ou une quelconque pathologie, mais bien de détecter l’origine du problème.
Le système sensori-moteur repose sur six capteurs sensoriels : les pieds, les yeux, les oreilles, la mâchoire, la peau et les articulations. Une altération de l’un de ces capteurs peut entraîner une désorganisation de la régulation posturale, avec des répercussions musculo-squelettiques à distance.
Syndrome de déficience posturale
Le syndrome de déficience posturale, ou maladie du système postural d’aplomb, a été décrit par Martins Da Cunha en 1979. Ce syndrome résulte d’une altération de l’équilibre tonique et postural. Il survient lorsque les centres de régulation (centres intégrateurs du système nerveux central) ne parviennent plus à synthétiser de manière cohérente les informations issues des différents capteurs : on parle alors d’asynchronisme des capteurs.
Le corps possède une grande capacité d’adaptation pour compenser ces déficiences, mais des douleurs peuvent tout de même apparaître. La stratégie posturale tend vers l’équilibre, l’économie d’effort et l’absence de douleur.
La posture
La posture se réfère à la position du corps humain et à son orientation dans l’espace. Il s’agit d’un corps bien positionné, disponible pour se mouvoir dans n’importe quelle direction selon les exigences du mouvement. C’est la position de départ avant le mouvement.
Selon Boissonnet (2011), l’homme debout obéit à trois lois :
• L’équilibre : comment on se tient debout sans tomber, en gérant la gravité et les appuis au sol.
• L’économie : faire les bons gestes avec le moins d’effort possible.
• Le confort : bouger sans douleurs, sans contraintes.
Le système stomatognathique
Le système stomatognathique joue un rôle important dans le contrôle postural. Il s’agit d’une unité fonctionnelle regroupant plusieurs structures :
• Les composants osseux (maxillaire et mandibule),
• Les arcades dentaires,
• Les tissus mous (glandes salivaires, système vasculo-nerveux),
• Les muscles de l’Articulation Temporo-Mandibulaire (ATM) et les muscles masticateurs.
Relations entre le système stomatognathique et la posture
Perturbations stomatognathiques et répercussions sur la posture
L’occlusion dentaire et les afférences du nerf trijumeau jouent un rôle dans le maintien du contrôle postural. Le nerf trijumeau (5ᵉ paire de nerfs crâniens) se compose de trois branches : le nerf ophtalmique, le nerf maxillaire et le nerf mandibulaire.
Il est mixte :
• Moteur (mastication, déglutition),
• Sensoriel (téguments de la face).
Des positions mandibulaires différentes peuvent entraîner des variations dans la posture du corps. Par exemple, un changement de position mandibulaire peut modifier les afférences proprioceptives et parodontales, affectant la position du centre de pression du pied ainsi que la stabilité de la démarche.
Inversement, un changement de posture peut affecter la position mandibulaire. Une étude de Gangloff et Perrin (2002) a démontré une altération significative du contrôle postural après une anesthésie tronculaire unilatérale du nerf mandibulaire. Cette anesthésie entraîne un déplacement du poids du corps sur le membre controlatéral, confirmant une corrélation entre la posture et l’équilibre corporel.
Perturbation de la posture et répercussions sur le système stomatognathique
Il existe également une relation entre la posture et les Troubles Temporo-Mandibulaires (TTM). Les patients atteints de TTM présentent souvent :
• Un déplacement du centre de gravité,
• Une tête projetée vers l’avant, associée au raccourcissement des muscles cervicaux postérieurs.
Ce déplacement antérieur diminue le champ visuel. Pour le compenser, les courbures cervicales (lordoses) augmentent, ce qui influence également la position du centre de gravité.
Les modifications de la posture cervicale peuvent ainsi induire des TTM, perturber l’orientation de la tête et altérer la position mandibulaire.
Des associations entre les TTM et la fonction oculomotrice ont également été observées. Une prévalence plus élevée de défauts de convergence oculaire est rapportée chez :
• Les adultes avec TTM et ouverture buccale limitée,
• Ceux souffrant de douleurs aux épaules ou au cou,
• Les enfants présentant une déviation fonctionnelle mandibulaire.
Toutes ces connexions suggèrent que certaines parties du système trigéminal ont une influence importante sur la coordination entre posture et vision. Il est probable que les informations sensorielles issues du système stomatognathique soient traitées parallèlement à celles des systèmes vestibulaire et oculomoteur. Une variation des stimulations trigéminales peut provoquer un déséquilibre global.
Fascias et posture
Un autre élément fondamental reliant le système stomatognathique à la posture est l’existence de fascias qui relient les chaînes musculaires.
Un fascia est une membrane fibro-élastique qui recouvre et enveloppe les muscles. Il est composé de tissu conjonctif dense (riche en collagène) et d’un épimysium. Les fascias forment un « réseau interconnecté » qui soutient, protège, nourrit le corps et maintient les organes en place. On distingue trois couches : superficielle, profonde et viscérale.
Le système fascial est crucial car :
• Il distribue passivement la tension musculaire,
• Il contient des mécanorécepteurs,
• Il peut se contracter de manière autonome, influençant la tension des fascias.
La stimulation des mécanorécepteurs intrafasciaux modifie la tension des myofibroblastes, régulant ainsi la pré-tension fasciale. Ces tensions se propagent dans la chaîne musculaire, influençant la posture globale. Tous les muscles d’une chaîne agissent de manière coordonnée, comme un seul muscle. Cela peut expliquer pourquoi des troubles fonctionnels comme la mastication ou la déglutition ont un impact sur la musculature générale.
La posture cervicale peut également être influencée par des stimuli provenant des membres inférieurs, en raison des connexions au sein du système fascial. Une modification locale peut ainsi provoquer un trouble à distance.
Conclusion
Le Dr Pirel, chef du département d’occlusodontologie de la faculté de chirurgie dentaire de l’Université de Lyon, confirme la relation entre occlusion et posture. Il précise que, bien que l’équilibration de l’occlusion ne résolve pas tous les problèmes, de nombreuses tendinites et dorsalgies sont liées à des troubles de l’occlusion (Pirel, 2006).
Cet article vous est proposé par les Drs Adrien Sicard, Christophe Ghrenassia et Sébastien Minne, en charge de la Société Française de Dentisterie du Sport (SFDS). Pour en savoir plus au sujet de la dentisterie et du sport, découvrez l’article « La santé bucco-dentaire, un essentiel à la performance sportive », en cliquant ici.