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L’amalgame : bel et bien du passé ?

le 09-09-2024

L’amalgame dentaire au mercure

Durant environ un siècle, l’amalgame dentaire a été le matériau de restauration standard pour les lésions carieuses postérieures. Compte tenu de sa facilité de mise en place, en particulier de sa tolérance à l’humidité, mais aussi de sa résistance relativement élevée aux forces masticatoires et aux caries secondaires, l’amalgame est encore aujourd’hui la norme des matériaux de restauration dans la plupart des assurances maladie obligatoires ou publiques.
Alors que les inquiétudes quant à sa biocompatibilité et à ses effets plus généraux sur la santé ont à maintes reprises soulevés des controverses ouvertes, un certain nombre d’études ont démenti ces supputations et démontré la sécurité générale de l’amalgame s’il est correctement mis en place.

 

Toutefois, en vertu de la convention de Minamata, l’utilisation de l’amalgame devrait cesser dans de nombreux pays du monde au cours des prochaines années. Cette convention, qui prévoit la limitation et, tôt ou tard, l’interdiction du mercure dans tout processus industriel, a été adoptée par la grande majorité des pays en réponse aux rejets de mercure émanant d’un processus industriel dans la ville de Minamata au Japon et à une série d’effets sanitaires généralisés dus à l’absorption consécutive de mercure par des milliers de personnes.

 

À cet égard, le secteur dentaire est un cas particulier ; la convention ne lui a pas imposé un « retrait » total du matériau, mais une « réduction progressive ».
Les pays signataires se sont engagés à prendre des mesures pour diminuer l’utilisation des amalgames dentaires, notamment en renforçant la prévention ou le développement et l’adoption d’autres stratégies de restauration. Dans de nombreux pays du monde, dont ceux de l’Union européenne, les décideurs politiques ont même résolu de dépasser cet engagement et de retirer complètement l’amalgame des produits dentaires. Pour certains groupes, c’est-à-dire les femmes enceintes ou qui allaitent, ce retrait s’est déjà concrétisé.

 

Dans ce contexte, les chirurgiens-dentistes font maintenant face à une question importante : quel autre matériau utiliser ?

 

Possibilités de restauration dans l’ère de l’après-amalgame

Au cours des 60 dernières années, une série de matériaux ont été proposés en remplacement de l’amalgame.
Globalement, ils se répartissent en trois catégories :
Résines composites, mises en place graduellement afin de compenser la rétraction due à la polymérisation et permettre une prise efficace ;
Matériaux à base de verre, c’est-à-dire verres ionomères et verres hybrides ;
Matériaux combinant les propriétés des deux classes de matériaux précités (pour ces derniers, la terminologie manque d’uniformité et les données cliniques sont souvent limitées).

 

Résines composites

Les résines composites ont particulièrement une longue tradition d’utilisation comme substituts de l’amalgame, notamment pour les restaurations postérieures soumises à des charges atteignant la face proximale.
Les résines composites micro et nanohybrides présentent d’excellentes propriétés physiques, telles qu’une grande résistance à l’abrasion et à l’érosion, une grande résistance à la flexion, une bonne aptitude au polissage et des qualités esthétiques.

 

En outre, ces matériaux peuvent être mis en place par une technique adhésive et ne requièrent donc pas de préparation cavitaire macrorétentive, ce qui permet des traitements dentaires minimalement invasifs.
La mise en place de résines composites est associée à un certain nombre d’exigences préalables, entre autres un contrôle strict de l’humidité, un protocole séquentiel de préparation et de conditionnement des cavités, nécessitant par exemple un mordançage à l’acide suivi de l’utilisation d’adhésifs.
Ces dernières années, les fabricants se sont efforcés de simplifier le processus, notamment en combinant les étapes de mordançage et d’application de l’adhésif, ou en diminuant le besoin d’une mise en place graduelle grâce à l’utilisation de composites d’obturation « en bloc ».

 

Néanmoins, la mise en place des résines composites – surtout dans la zone juxta gingivale ou sous-gingivale – est techniquement exigeante. De plus, le matériau lui-même est relativement coûteux par rapport à l’amalgame dentaire. Les résines composites peuvent donc certainement être considérées comme l’une des solutions contemporaines pour remplacer l’amalgame, mais elles « ne passent pas l’examen haut la main ».

 

Verres ionomères et verres hybrides

Pendant plusieurs décennies, les verres ionomères n’ont pas été considérés comme une formule de rechange entièrement équivalente de l’amalgame, principalement en raison de leur stabilité modérée contre l’abrasion ou l’érosion et de leur faible résistance à la flexion, qui réduisaient leur longévité dans les cavités postérieures occluso-proximales.

 

De nouvelles générations de ces matériaux à base de verre ont été conçues afin de pallier les principales faiblesses évoquées. Une classe plus perfectionnée de matériaux à base de verre, appelés verres hybrides, semble avoir surmonté la plupart des limitations quant à la stabilité à l’abrasion et à l’érosion, et présente également une résistance à la flexion nettement accrue.
Ce résultat est dû à une modification de la composition chimique du matériau, principalement l’introduction d’autres particules de verre, plus petites et hautement réactives, et de chaînes d’acide acrylique plus longues. En outre, l’ajout d’une étape de revêtement de la surface de verre plus rugueuse avec une résine nanochargée, appliquée sur les faces occlusales ou autres faces accessibles, protège le verre poreux contre les acides et l’abrasion.
Ce revêtement a également permis d’améliorer considérablement l’esthétique du matériau dont l’aptitude au polissage était jusqu’alors médiocre. Avec l’usure du revêtement, le verre hybride entre dans une phase de seconde maturation unique qui augmente sensiblement la dureté de la restauration(1).

 

Des études menées en laboratoire ont confirmé que les verres hybrides présentent en effet des propriétés largement supérieures à celles de leurs prédécesseurs, tout en conservant les avantages de cette classe de matériaux, notamment la possibilité d’une mise en place en bloc, la facilité de la mise en place et une excellente bioactivité (surtout la libération bien connue d’ions fluorure). Il ne faut cependant pas oublier que les études de laboratoire ne reflètent pas nécessairement le comportement clinique. Seules des études cliniques peuvent démontrer les effets réels de toute modification du matériau et l’aptitude potentielle d’un matériau de restauration à remplacer l’amalgame.

 

Verres hybrides : les données cliniques sont une monnaie forte

Comme avec la plupart des avancées scientifiques, le développement des verres hybrides n’a pas été une révolution, mais une évolution. Un bon nombre d’études, dont certaines sont même fondées sur la pratique, ont évalué les prédécesseurs directs des verres hybrides. Elles ont confirmé les progrès apportés à cette classe de matériaux au cours des quinze dernières années et réfuté le concept selon lequel les matériaux à base de verre sont simplement des matériaux temporaires(2, 4).

 

Les paragraphes suivants présentent plus en détail plusieurs études menées sur la génération actuelle de verres hybrides. Il est rassurant de constater que ces études ne sont pas toutes associées aux fabricants et ont été menées par plusieurs groupes dans le monde entier.
Elles reposent également sur différentes indications cliniques et utilisent des modèles cliniques robustes, notamment des études randomisées, pour comparer le verre hybride avec une norme de traitement acceptée, telle qu’une résine composite. Les deux grands domaines d’application examinés sont les lésions cervicales et les lésions postérieures soumises aux charges.

 

Lésions cervicales

La mise en place de verres ionomères dans la région cervicale, en particulier de verres ionomères modifiés par adjonction de résine, remonte à longtemps et s’appuie sur une multitude d’études cliniques démontrant l’utilité de ce matériau dans cette indication. En ce qui concerne le taux de survie et de réussite des restaurations cervicales, les verres ionomères modifiés par adjonction de résine ont toujours surpassé les autres matériaux(5).

 

lésion cervicale non carieuse, avant traitementFig. 01 : multiples lésions cervicales non carieuses, avant traitement.

restauration initiale par un verre hybrideFig. 02 : lésions cervicales restaurées avec le verre hybride EQUIA Forte (GC).

même restauration après 6,5 ansFig. 03 : restaurations en verre hybride lors du suivi après 6,5 ans (avec l’aimable autorisation du Pr. Matteo Basso, Italie).

 

Pour le verre hybride, il existe deux études randomisées qui ont comparé ce matériau à des résines composites.
La première(6) portait sur un petit échantillon de 25 patients présentant des lésions cervicales non carieuses et un bruxisme, c’est-à-dire un groupe très spécifique (composé dans l’ensemble de patients plutôt jeunes), dont 148 lésions ont été restaurées aléatoirement (ce qui indique un grand nombre de lésions par patient) avec un verre hybride (Equia Forte, GC, Tokyo, Japon) ou une résine composite (Ceram.x® One SphereTEC™ Universal, Dentsply, Konstanz, Allemagne).
Après 6, 12 et 24 mois de suivi, les restaurations ont été réévaluées selon les critères modifiés du Service de santé publique des États-Unis (USPHS). L’évaluation des 126 restaurations encore présentes (chez 22 patients) au suivi de 24 mois a fait état d’un comportement similaire des deux matériaux. Seule l’adaptation marginale a montré une différence significative et l’adaptation des verres hybrides était légèrement moins bonne. Aucune carie secondaire n’a été observée dans les restaurations.

 

Une autre étude(7), incluant un suivi de 36 mois, a évalué la survie, la qualité et les coûts des restaurations en verre hybride (Equia Forte, GC, Tokyo, Japon) et en résine composite (Filtek™ Supreme XTE, 3M™, Saint-Paul, États-Unis) pour la prise en charge des lésions cervicales, plus précisément des lésions cervicales scléreuses non carieuses.
Les restaurations ont été mises en place directement chez 88 patients (50 à 70 ans) présentant 175 lésions, sans aucune préparation mécanique (ce qui a finalement mené à des taux d’échec annuels importants dans les deux groupes, voir ci-dessous).
La qualité des restaurations a été évaluée après 1, 18 et 36 mois selon les critères de la Fédération Dentaire Internationale (FDI). Les coûts ont été évalués à l’aide d’une approche reposant sur le microcosting (comptabilisation du temps utilisé pour la mise en place du matériau) et, pendant le suivi, sur les prestations de l’assurance obligatoire en Allemagne.

Sur les 88 patients, 43 ont été traités par des verres hybrides (83 restaurations) et 45 par des résines composites (92 restaurations) ; le plan de l’étude reposait sur une randomisation par grappes. Après 36 mois, 17 verres hybrides et 19 résines composites présentaient une perte totale de rétention, 5 verres hybrides étaient partiellement perdus (aucune différence significative entre les matériaux).
Aucun des domaines évalués selon les critères de la FDI ne présentait des scores significativement différents, à l’exception du brillant de surface (dans ce cas, les composites étaient supérieurs aux verres hybrides – bien qu’il convienne de noter que la dernière génération de verres hybrides vise spécifiquement ces effets esthétiques).
Les coûts liés aux verres hybrides étaient nettement inférieurs, tant au départ (verres hybrides : 32,57 € ; écart type (σ) 16,36 par rapport aux résines composites : 44,25 € ; σ 21,40) et sur toute la période d’observation (verres hybrides : 41,72 € ; σ 25,08 par rapport aux résines composites : 51,60 € ; σ 26,17).

 

En résumé, les deux études – randomisées et de conception robuste – démontrent que les verres hybrides conviennent parfaitement à la restauration des lésions cervicales. Elles prouvent également que le taux de survie du matériau n’est pas seulement similaire à celui d’une résine composite, mais que le rapport coût-efficacité est avantageux. Comme mentionné ci-dessus, le bon comportement des verres ionomères dans cette indication n’est pas un fait forcément nouveau.
Toutefois, les aspects liés aux différences économiques entre les composites et les verres hybrides pour la prise en charge des lésions cervicales n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation approfondie. Quel que soit le matériau de restauration utilisé, il convient également de souligner qu’une préparation des surfaces sclérosées est probablement bénéfique.

 

Lésions occluso-proximales

Contrairement aux lésions cervicales, les verres ionomères n’étaient auparavant pas tenus pour une solution de restauration des cavités postérieures soumises aux charges qui s’étendaient aux faces proximales. Comme indiqué plus haut, leur faible résistance à la flexion et à l’abrasion/l’érosion compromettait souvent la réussite et la survie des restaurations en verre ionomère utilisées pour cette indication. À l’inverse, un certain nombre d’études cliniques ont démenti ce jugement en ce qui concerne les verres hybrides.

 

Deux études randomisées menées récemment sont particulièrement remarquables :
La première(8) a comparé un verre hybride (Equia Forte, GC, Tokyo, Japon), une résine composite d’obturation en bloc (Filtek™ One Bulk Fill Restauration Postérieure, 3M™, Saint-Paul, États-Unis) et une résine composite microhybride mise en place graduellement (Charisma Smart, Heraeus Kulzer, Hanau, Allemagne).
Les matériaux ont été utilisés pour restaurer aléatoirement 109 dents permanentes présentant des cavités siégeant sur deux faces (mésio-occlusales, disto-occlusales) chez 54 patients relativement jeunes (31 femmes et 23 hommes d’un âge moyen de 22 ans). Les restaurations ne s’étendaient pas vers les cuspides et toutes les limites cervicales se situaient dans l’émail sain (c’est-à-dire, en dehors de la région sous-gingivale). Les matériaux ont été mis en place après l’élimination des caries et une préparation minimalement invasive.

Au bout d’une période maximale de 24 mois, 84 restaurations ont été réévaluées selon les critères modifiés de l’USPHS. Par rapport au verre hybride, l’état des restaurations en composite était meilleur quant à la forme anatomique, les points de contact, la correspondance de teinte, la texture de surface et la survie globale.

 

Fig. 04 : restauration de classe I sur la dent 47 présentant des colorations marginales et des caries récurrentes, avant traitement.

Fig. 05 : restauration de classe I en verre hybride au moyen d’EQUIA Forte (GC), juste après la mise en place.

Fig. 06 : restauration en verre hybride lors du suivi, 3 ans après la mise en place (avec l’aimable autorisation du Pr. Matteo Basso, Italie).

 

En revanche, une autre étude internationale randomisée, utilisant un modèle sur bouche divisée(9, 10), menée dans quatre centres hospitaliers universitaires à Zagreb (Croatie), Belgrade (Serbie), Milan (Italie) et Izmir (Turquie), a comparé un verre hybride (Equia Forte, GC, Tokyo, Japon) à un composite nanohybride (Tetric EvoCeram®, Ivoclar Vivadent, Schaan, Liechtenstein) dans le cadre d’une indication similaire.
L’étude a évalué les restaurations siégeant sur les faces occluso-proximales de molaires permanentes de patients adultes ; chaque patient devait présenter deux cavités similaires dans les molaires pulpées (réponse positive au chlorure d’éthyle) de la même arcade afin de satisfaire au modèle sur bouche divisée.

 

Fig. 07 : restauration de classe II de la dent 26 présentant des caries secondaires.

Fig. 08 : restauration de classe II en verre hybride de la dent 26 au moyen d’EQUIA Forte (GC), juste après le traitement.

Fig. 09 : restaurations de classe II en verre hybride, 5 ans après le traitement (avec l’aimable autorisation du Pr. Matteo Basso, Italie).

 

Au total, 360 restaurations ont été mises en place chez 180 patients. Une dent de chaque patient a été choisie au hasard pour être restaurée avec un verre hybride et l’autre pour une restauration par un matériau composite.
Avant la mise en place des matériaux, des matrices sectionnelles à l’anatomie précontourées (Palodent® Plus, Dentsply Sirona) ont été posées et les cavités conditionnées conformément aux instructions du fabricant. Un adhésif automordançant à deux composants (Adhese Universal, Ivoclar Vivadent) a été utilisé pour le composite. Les patients et les restaurations ont été suivis et évalués après 1 semaine, 1 an, 2 ans et 3 ans, selon les critères FDI-2(10). Les coûts de chaque restauration assumés par les patients ont également été calculés en dollars américains (USD), tout en tenant compte des coûts médicaux directs. L’évaluation de la rentabilité reposait sur le calcul du rapport coût-efficacité différentiel, c’est-à-dire le rapport entre la différence de coût des deux restaurations et la différence exprimée en termes de résultats (gain ou perte d’efficacité).

 

Dans cette étude, les patients du centre italien étaient plus âgés que ceux des autres centres, et dans l’ensemble, les femmes étaient plus nombreuses que les hommes. Au cours des 3 années d’étude, 32 patients ont abandonné et 21 ont été retraités (27 restaurations). La durée moyenne de survie des restaurations était élevée dans tous les centres et ne différait pas considérablement entre les deux matériaux.

 

Fig. 10 : coûts et survie des verres hybrides et des composites dans les différents pays (moyenne, écart-type).

 

Dans trois des quatre pays, le composite était plus coûteux, tant initialement (par exemple pour sa mise en place) que sur le long terme (sur les trois années de suivi, compte tenu de la gestion des complications). Lors de l’évaluation du rapport coût-efficacité (en termes d’USD et de survie en mois), le composite était généralement plus onéreux que les verres hybrides dans trois des quatre pays, et le coût du composite était globalement plus élevé par rapport au bénéfice clinique limité (surcoût de 268,5 USD par mois supplémentaire sans complications).

 

Les dernières données probantes montrent que les verres hybrides sont également prometteurs pour les cavités postérieures atteignant les faces proximales. Bien qu’il existe certaines incohérences entre les
deux études précitées quant à la longévité comparative des verres hybrides et des composites utilisés à cette fin, leurs résultats sont encourageants, en particulier ceux de la vaste étude internationale.
Les quatre centres indépendants ont obtenu des résultats concordants qui ont confirmé la pertinence des composites et des verres hybrides pour les cavités soumises aux charges tout au long de la période d’observation de 3 années.

 

Le rapport coût-efficacité favorable des verres hybrides a notamment été reconfirmé, ce qui fait de ces matériaux une solution particulièrement intéressante pour remplacer l’amalgame lorsque l’aspect financier est un élément important, par exemple dans les pays à revenu faible ou moyen, mais aussi dans le cadre de la plupart des assurances obligatoires ou sociales dans les régions à revenu élevé.
Un modèle d’extrapolation(11) a permis de démontrer le maintien probable de ce rapport coût-efficacité sur le long terme ; selon une étude menée récemment, les composites sont à peine plus efficaces (rétention des dents pendant une durée moyenne de 54,4 ans, avec un écart-type (σ) de 1,7 an) que les verres hybrides, et sont aussi plus onéreux (694 euros, σ 54 euros). Dans les analyses de sensibilité, et sous certaines hypothèses, les verres hybrides se sont même avérés plus efficaces tout en restant moins coûteux que les composites.

 

Les verres ionomères qualifiés de médicaments essentiels

Compte tenu des avantages des verres ionomères et des verres hybrides ainsi que des progrès récents, un comité d’experts de l’OMS a déclaré en 2021 que « les propriétés anticariogènes du ciment verre ionomère découlent de la capture et de la libération continues d’ions fluorure, qui reminéralisent les structures dentaires carieuses et ont un effet bactériostatique.
Le ciment verre ionomère réduit les taux de caries récurrentes par rapport aux restaurations en composite ou en amalgame, et réduit également l’incidence de nouvelles caries sur les autres dents. Grâce à la simplicité d’application, le ciment verre ionomère est adapté aux soins de santé primaires et aux interventions sur le terrain, y compris pour les « personnes ayant des besoins spéciaux »(12).

 


Fig. 10 : cavité de classe I avant le traitement.


Fig. 11 : restauration en verre hybride au moyen d’EQUIA Forte HT (GC) (avec l’aimable autorisation du Dr Zeynep Bilge Kütük, Turquie).

 

En conséquence, le verre ionomère est le seul matériau parmi quelques matériaux dentaires qui peut être défini comme « médicament essentiel »(13), c’est-à-dire un matériau indispensable à un système de soins de santé de base. Les médicaments essentiels sont généralement les produits les plus efficaces, les plus sûrs et les plus rentables pour une pathologie donnée (dans ce cas, les caries dentaires).
En 2019, les verres hybrides ont été reconnus par la FDI comme une classe de matériaux de restauration des dents permanentes, adaptés aux restaurations intéressant une seule face et aux restaurations de classe II(14, 15).

 

Conclusion

L’ère de l’amalgame dentaire touche lentement à sa fin, et on peut s’attendre au retrait total de l’amalgame dans la plupart des futurs systèmes de soins de santé. Il n’existe aucun matériau qui réponde à toutes les conditions requises pour remplacer l’amalgame ; par contre, on dispose d’une gamme de matériaux aux propriétés différentes et les chirurgiens-dentistes devront choisir en connaissance de cause le matériau le
mieux adapté à chaque indication. Les verres ionomères et les verres hybrides sont des substituts potentiels de l’amalgame et ont évolué considérablement au cours des vingt dernières années.

Les données sont à l’appui de l’utilisation de verres hybrides pour les restaurations cervicales et postérieures soumises à des charges. Le rapport coût-efficacité et la pertinence de ces matériaux sont probablement supérieurs à ceux d’autres matériaux, mais une amélioration des autres caractéristiques (en particulier la résistance à la flexion) serait un progrès souhaitable pour faire de ces matériaux un substitut véritablement universel de l’amalgame.

Néanmoins, selon l’OMS, les verres ionomères et les verres hybrides sont déjà des « médicaments essentiels » pour la plupart des systèmes de soins de santé dans le monde.

 


 

Cet article vous est proposé par GC.

GC

 

 

Références bibliographiques

(1) Y. Shimada, Y. Hokii, K. Yamamoto et al – Evaluation of hardness increase of GIC restorative surface in saliva.
Clin Oral Invest (2015) 19:1701–1754.

(2) S. Gurgan, Z-B. Kutuk, E. Ergin, S-S. Oztas, F-Y. Cakir – Clinical performance of a glass ionomer restorative system: a 6-year evaluation.
Clin Oral Investig. 2017;21(7):2335-43.

(3) T. Klinke, A. Daboul, A. Turek, R. Frankenberger, R. Hickel, R. Biffar – Clinical performance during 48 months of two current glass ionomer restorative systems with coatings: a randomized clinical trial in the field.
Trials. 2016;17(1):239.

(4) K. Friedl, K-A. Hiller, K-H. Friedl – Clinical performance of a new glass ionomer based restoration system: a retrospective cohort study.
Dent Mater. 2011;27(10):1031-7.

(5) F. Schwendicke, G. Gostemeyer, U. Blunck, S. Paris, L-Y. Hsu, Y-K. Tu – Directly placed restorative materials: review and network meta-analysis.
J Dent Res. 2016;95(6):613-22.

(6) Koc Vural U, Meral E, Ergin E, Gurgan S – Twenty-four-month clinical performance of a glass hybrid restorative in non-carious cervical lesions of patients with bruxism: a split-mouth, randomized clinical trial.
Clin Oral Investig. 2020;24(3):1229-1238.

(7) Schwendicke F, Müller A, Seifert T, Jeggle-Engbert LM, Paris S, Göstemeyer G – Glass hybrid versus composite for non-carious cervical lesions: Survival, restoration quality and costs in randomized controlled trial after 3 years.
J Dent. 2021; 110:103689.

(8) H. Balkaya, S. Arslan – A two-year clinical comparison of three different restorative materials in class II cavities.
Oper Dent. 2020;45(1):e32-e42.

(9) F. Schwendicke, J-G. Rossi, J. Krois, M. Basso, T. Peric, L-S. Turkun et alCost-effectiveness of glass hybrid versus composite in a multi-country randomized trial. J Dent.
J Dent. 2021;107:103614.

(10) I. Miletić, A. Baraba, M. Basso, M-G. Pulcini, D. Marković, T. Perić et alClinical performance of a glass-hybrid system compared with a resin composite in the posterior region: results of a 2-year multicenter study.
J Adhes Dent. 2020;22(3):235-47.

(11) F. Schwendicke, M. Basso, D. Markovic, L-S. Turkun, I. Miletić – Long-term cost- effectiveness of glass hybrid versus composite in permanent molars.
J Dent.2021;112:103751.

(12) Expert Committee on Selection and Use of Essential MedicinesGlass ionomer cement – dental caries.
Accessed Sept 16, 2022.

(13) Expert Committee on Selection and Use of Essential MedicinesWHO.
Accessed Sept 16, 2022.

(14) FDI World Dental Federation, 2019Carious lesions and first restorative treatment.
Accessed Sept 14, 2022.

(15) FDI World Dental Federation Carious lesions and first restorative treatment: adopted by the general Assembly: September 2019, San Francisco, United States of America.
Int Dent. J. 2020; 70: 5–6.

Caries radiculaires : difficultés et recommandations pour la pratique

le 11-03-2024

Caries radiculaires

La carie est l’affection la plus courante chez l’être humain ; presque tout le monde en est atteint un jour ou l’autre dans sa vie. On estime aujourd’hui que le facteur déterminant n’est pas la simple présence ou la quantité du biofilm, mais plutôt les conditions environnementales.
Normalement, le biofilm dentaire est non cariogène, car les bactéries qui tolèrent l’acide et en produisent n’y sont présentes qu’en très petit nombre. Seul l’apport d’hydrates de carbone permet à ces bactéries de produire de l’acide et d’abaisser le PH, menant au déplacement d’autres bactéries physiologiques et à la création d’une niche écologique.
En cas d’apport régulier d’hydrates de carbone, le biofilm se modifie durablement et c’est ce biofilm modifié, et lui seul, qui est capable de produire des quantités suffisantes d’acide pour provoquer une déminéralisation marquée des tissus dentaires durs(1). La déminéralisation n’est évidemment pas le but visé par les bactéries, mais plutôt un effet secondaire indirect.

 

Les racines exposées sont prédisposées au risque carieuxFig. 01 : les racines exposées sont prédisposées au risque carieux ; elles se déminéralisent plus tôt et plus rapidement, car la dentine ou le cément n’est pas protégé par l’émail ou l’alvéole.

 

Sachant cela, il est compréhensible que la pathogénicité du biofilm ainsi que l’équilibre entre la déminéralisation et la reminéralisation puissent être modifiés. Aujourd’hui, on accorde donc plus d’importance non pas au traitement de restauration, mais à la prévention des caries ou à l’arrêt des lésions existantes par un contrôle mécanique ou chimique du biofilm, un régime alimentaire adéquat ou une surveillance de la déminéralisation et de la reminéralisation. Un certain nombre de cas ont cependant toujours besoin d’un traitement de restauration, pour lequel différentes approches sont possibles(2).

 

Difficultés posées par les caries radiculaires

La mise en œuvre de mesures préventives a contribué à une réduction manifeste des caries chez les enfants et les adolescents(3). En Allemagne, un enfant de 12 ans n’a en moyenne que 0,5 dent cariée ou obturée, soit une diminution de près de 90 % depuis les années 1970 ! Cette réussite est néanmoins assombrie par certaines constatations.

Tout d’abord, malgré ces mesures, il subsiste un petit groupe de patients où le taux de caries reste élevé. Ensuite, la population plus âgée présente d’autres formes de caries plus notables, telles que les caries secondaires et/ou radiculaires. Celles-ci sont le sujet de cet article. Ces caries se développent sur les surfaces radiculaires exposées où l’élimination du biofilm est limitée, soit en raison d’un accès difficile, soit en raison d’une hygiène bucco-dentaire générale insuffisante.

 

mise en place des résines composites est techniquement plus exigeante
Fig. 02 : malgré leurs excellentes propriétés, la mise en place des résines composites est techniquement plus exigeante. Avec l’aimable autorisation du Pr B. Van Meerbeek, Université catholique (KU) de Louvain – BIOMAT, Belgique.

 

Les surfaces radiculaires exposées sont également plus prédisposées aux caries en raison de leur composition (dentine ou cément exposés) et se déminéralisent plus tôt et plus rapidement. Outre la déminéralisation causée par les acides, la matrice organique de la dentine est dissoute par des enzymes bactériennes et spécifiques à ce tissu. La dissolution du collagène dentinaire accélère la destruction et, à un certain degré de dissolution, la dentine n’est plus capable de se reminéraliser.

 

La morphologie des caries radiculaires est également différente de celle des caries de l’émail :
• Les lésions carieuses ont souvent une forme de bol et peuvent théoriquement être nettoyées.
• Elles ne sont pas rétentives ; le traitement de restauration nécessite souvent l’utilisation de matériaux adhésifs, mais la proximité de la gencive pose des difficultés quant au contrôle de l’humidité et de la mise en place d’une matrice.

 

une lésion cervicale est restaurée au moyen d’un verre hybrideFig. 03 : une lésion cervicale est restaurée au moyen d’un verre hybride. a) Mise en place d’EQUIA Forte HT ; b) EQUIA Forte Coat crée une surface lisse ; c) Restauration après la finition (avec l’aimable autorisation de J. Tapia Guadix, Espagne).

 

Les caries radiculaires sont les caries de l’âge et se développent principalement lorsque les surfaces radiculaires sont exposées (souvent à la suite d’une perte osseuse parodontale)(4). Les caries radiculaires touchent donc surtout les populations vieillissantes où de plus en plus de personnes âgées conservent un nombre important de leurs dents naturelles.
Les résultats des études allemandes sur la santé bucco-dentaire le confirment : le nombre de surfaces radiculaires cariées par personne dans la population est passé de 0,27 en 1997 à 0,71 en 2005 puis à 0,91 en 2014. Si l’on tient compte du développement et des changements démographiques, on peut en déduire que le nombre total de surfaces radiculaires cariées a triplé en l’espace de 20 ans seulement, passant d’environ 21 millions à plus de 70 millions(4).
Les caries radiculaires pourraient ainsi devenir la forme la plus courante de lésions carieuses dans de nombreux pays à haut revenu, où les personnes âgées, dont le nombre de dents naturelles encore présentes est plus élevé qu’auparavant, représentent le seul groupe d’âge en croissance.

 

Facteurs de risque

Comme expliqué précédemment, le risque de carie radiculaire augmente fortement avec l’âge. Il est donc probable que les facteurs de risque associés aux changements liés à l’âge contribuent également au développement des caries radiculaires.
Des antécédents de caries radiculaires sont le facteur de risque le plus souvent identifié(5) et sont généralement un bon indicateur, car ils englobent rétrospectivement tous les autres facteurs (comportement, génétique, anatomie, physiologie, etc.). Ces facteurs étant immuables ou rarement modifiés, on estime que cette trajectoire suivie par le passé se poursuivra à l’avenir.

D’autres facteurs de risque pertinents sont le nombre de surfaces radiculaires exposées, une hygiène bucco-dentaire insuffisante ou la présence d’une parodontite. Le nombre de surfaces radiculaires exposées et la parodontite sont souvent liés, comme nous le verrons en détail par la suite. Toutefois, les données sur les facteurs de risque de carie radiculaire sont limitées et ne reposent que sur un petit nombre d’études fiables.

 

Les faits permettent de déduire que les patients qui présentent déjà une ou plusieurs caries radiculaires sont exposés à un risque plus élevé d’en développer de nouvelles. Outre les mesures de routine, des stratégies de prévention, une surveillance étroite et une intervention précoce dès l’apparition de nouvelles lésions carieuses radiculaires sont donc recommandées chez ces patients.

 

Prise en charge des caries radiculaires

Il existe un ensemble de mesures préventives et thérapeutiques pour les caries, dont l’efficacité est prouvée chez les enfants et les adultes. Toutefois, peu d’études valables ont été menées sur les approches du traitement des caries radiculaires chez les patients plus âgés. Une analyse systématique récemment publiée a fourni un résumé des données sur les différentes stratégies de prévention et de traitement des caries radiculaires(6).

 

Cette analyse est à la base d’un document de consensus élaboré par des délégués de divers organismes professionnels (Organisation européenne pour la recherche sur les caries (ORCA), Fédération européenne de dentisterie conservatrice (EFCD) et Société allemande de dentisterie conservatrice (DGZ)), dont l’objectif
était de fournir aux chirurgiens-dentistes des recommandations factuelles sur la prévention et le traitement(7), notamment :

• Le groupe des personnes âgées étant hétérogène sous divers aspects (par exemple, l’hygiène bucco-dentaire, la santé générale), il convient de tenir compte des besoins individuels de ces patients dans le processus de planification.

• Les soins dentaires de ces patients suivent souvent des approches pragmatiques visant à prolonger la survie des dents plutôt que des interventions plus complexes.

• Dans la mesure où l’état de santé des patients âgés peut évoluer rapidement, il est recommandé d’effectuer des examens à des intervalles réguliers.

• Dans les cas de patients très dépendants, il convient d’envisager l’extraction des dents.

• Bien qu’il ne soit pas toujours possible d’obtenir des résultats satisfaisants dans la pratique, il est important de maintenir une bonne hygiène bucco-dentaire chez les patients âgés. Des conditions orales saines sont particulièrement cruciales chez ces patients, car on sait que la santé bucco-dentaire et la santé systémique sont interconnectées. Par exemple, une mauvaise hygiène bucco-dentaire peut être à l’origine d’une pneumonie chez les patients dépendants.
Comme pour les patients plus jeunes, le but de la prévention des caries chez les patients âgés est d’agir sur les facteurs étiologiques qui interviennent dans le développement des caries. Par conséquent, les patients âgés présentant un risque carieux accru devraient réduire leur consommation de sucre et veiller à une application générale de fluorure par un brossage des dents avec un dentifrice fluoré deux fois par jour.

• En raison de la perte osseuse parodontale, les patients âgés présentent souvent des espaces interdentaires ouverts qui sont prédisposés aux lésions carieuses radiculaires. Ces patients doivent veiller à une hygiène de ces espaces au moyen de brossettes interdentaires et d’un dentifrice fluoré.

• Dans de nombreux cas, les déficiences liées à l’âge entraînent une diminution de l’efficacité des mesures d’hygiène bucco-dentaire que les patients âgés effectuent eux-mêmes, en particulier les patients dépendants, qui peuvent ne plus être du tout capables d’assumer ces gestes. Les soignants, dont les membres de la famille, doivent donc être encouragés à apporter leur soutien ou à assumer les mesures d’hygiène bucco-dentaire.

 

Il existe des traitements non invasifs pour les lésions carieuses radiculaires existantes. Ils ont pour but de faire passer les lésions actives (lésions molles, recouvertes de plaque) à un état inactif (lésions dures, exemptes de plaque). Ces lésions inactives doivent être considérées comme des « cicatrices » qui ne nécessitent pas de traitement supplémentaire.

En ce qui concerne les lésions facilement accessibles, une mesure simple et efficace consiste à les brosser consciencieusement dans le cadre de l’hygiène bucco-dentaire quotidienne. L’élimination régulière du biofilm cariogène permet de faire passer la lésion à un état inactif. Les patients à haut risque doivent se brosser les dents avec un dentifrice fortement fluoré (5000 ppm de fluorures). L’application de vernis fluoré ou de fluorure de diamine d’argent au cabinet dentaire est également recommandée pour le traitement des caries radiculaires, mais il convient toutefois de noter que le fluorure de diamine d’argent peut causer des colorations noires irréversibles sur les surfaces traitées.

 

Certaines lésions nécessitent cependant un traitement par une approche restauratrice qui est évoquée, ainsi que les différentes options de matériaux disponibles pour cette indication, dans la section suivante.

 

Difficultés rencontrées lors du traitement de restauration

Comme il a été expliqué, les lésions carieuses radiculaires diffèrent des caries de la couronne sur le plan pathogénique, mais aussi sur le plan morphologique. Par conséquent, les concepts classiques du traitement de restauration effectué dans le cadre de caries de la couronne sont moins efficaces, voire totalement irréalisables en cas de caries radiculaires.

Les lésions carieuses radiculaires peuvent être situées dans des zones difficilement accessibles telles que les espaces interproximaux, et leur restauration peut donc nécessiter le sacrifice d’une grande quantité de tissus dentaires sains. Ces problèmes sont à l’origine de la survie souvent plus courte des restaurations des lésions carieuses radiculaires par rapport aux restaurations coronaires.

Très souvent, le traitement de patients âgés, qui représentent le principal groupe à risque, pose aussi des difficultés. De nombreux patients de ce groupe ne sont pas pleinement en mesure de subir un traitement. Les limitations de mobilité, surtout chez les patients dépendants, peuvent nécessiter des soins en dehors du cabinet dentaire.
L’utilisation des dispositifs et matériaux dont dispose le cabinet dentaire est par conséquent fortement limitée pour le traitement de ces patients.

 

Matériaux de restauration des caries radiculaires

Différentes catégories de matériaux sont disponibles pour restaurer les lésions radiculaires :
1. Les résines composites,
2. Les verres ionomères classiques et leur dernière génération, les verres hybrides,
3. Les matériaux combinant les propriétés des deux classes de matériaux précédentes, tels que les verres ionomères modifiés par adjonction de résine.

 

Les résines composites microhybrides et nanohybrides sont dotées d’excellentes propriétés physiques, notamment d’une grande résistance à l’abrasion et à l’érosion, d’une résistance élevée à la flexion, d’une bonne aptitude au polissage, et de qualités esthétiques. De plus, ces matériaux peuvent être mis en place par une technique adhésive qui permet des traitements dentaires minimalement invasifs.

La mise en place des résines composites nécessite notamment un contrôle très strict de l’humidité – dont l’obtention est généralement difficile en cas de caries radiculaires – et exige un processus en plusieurs étapes comme un mordançage à l’acide et l’application de produits adhésifs. Ces dernières années, les fabricants se sont efforcés de simplifier ce processus, notamment en combinant les étapes de mordançage et d’application de l’adhésif, mais la mise en œuvre – en particulier dans les zones juxtagingivales ou sous-gingivales – reste toutefois techniquement complexe.

 

Alors que seules les dernières générations de Ciments Verres Ionomères (CVI) sont de plus en plus utilisées pour restaurer les cavités soumises aux contraintes, cette classe de matériaux a toujours été une solution valable pour les lésions cervicales (car les problèmes liés à l’abrasion et aux contraintes sont moins importants qu’au niveau des surfaces occlusales et proximales). Les verres ionomères modifiés par adjonction de résine ont tout particulièrement montré un taux de survie élevé dans les lésions cervicales (il convient toutefois de noter que de nombreuses études les évaluaient dans des lésions non carieuses).

 

La dernière génération de matériaux, dénommée verres hybrides, se caractérise par une grande stabilité à l’abrasion et à l’érosion, et par une meilleure résistance à la flexion. Ces propriétés sont dues à des modifications de la composition chimique du matériau, principalement à l’ajout d’une phase vitreuse constituée de particules plus petites et de chaînes d’acide acrylique plus longues. Une étape supplémentaire de revêtement avec une nanorésine donne à la surface un aspect plus lisse et esthétique.

 

mise en place d’EQUIA Forte HTFig. 04 : mise en place d’EQUIA Forte HT.

EQUIA Forte Coat crée une surface lisseFig. 05 : EQUIA Forte Coat crée une surface lisse.

restauration après la finition (avec l’aimable autorisation de J. Tapia Guadix, Espagne)Fig. 06 : restauration après la finition (avec l’aimable autorisation de J. Tapia Guadix, Espagne).

 

Plusieurs études menées en laboratoire ont confirmé que les verres hybrides présentent en effet des propriétés nettement supérieures à celles de leurs prédécesseurs, tout en continuant à offrir les mêmes avantages, c’est-à-dire la facilité de la mise en place et la bioactivité, en particulier la libération de fluorure – un aspect pertinent pour la protection contre les caries radiculaires secondaires.

D’autres études ont démontré que les CVI réduisent le risque carieux au niveau des limites marginales de la restauration sur une distance allant jusqu’à 300 μm. Une zone intermédiaire résistante aux acides, constituée de calcium dissous provenant des tissus dentaires et du fluor libéré par le matériau, est en outre susceptible d’augmenter la résistance contre les lésions secondaires(8).

 

 

Données cliniques

Il existe très peu de données sur les matériaux de restauration des lésions radiculaires. Les données comparatives sont particulièrement rares. La plupart des études indiquent qu’à l’exception de la forme anatomique et de la concordance des teintes (où les verres ionomères peuvent poser plus de difficultés), et des lésions secondaires (où les composites peuvent accroître le risque), le risque d’échec est similaire entre les verres ionomères et les composites.
En général, le risque d’échec de la restauration est relativement élevé pour cette indication. Il s’est également avéré que le risque carieux peut modifier la probabilité d’échec, les composites présentant des échecs plus fréquents, principalement dans les caries secondaires, chez les personnes à haut risque(6, 8, 9).

 

En ce qui concerne les verres hybrides, les seules données disponibles sont des études randomisées qui ont comparé ce matériau avec les résines composites dans les lésions non carieuses.

 

lésion cervicale non carieuse, avant traitementFig. 7 : lésion cervicale non carieuse, avant traitement.

restauration initiale par un verre hybrideFig. 8 : restauration initiale par un verre hybride.

même restauration après 6,5 ansFig. 9 : même restauration après 6,5 ans (avec l’aimable autorisation du Prof. M. Basso, Italie).

 

L’étude la plus intéressante concernant les caries radiculaires est celle qui a évalué un verre hybride (EQUIA Forte, GC) par rapport à des restaurations en résine composite (Filtek Supreme XTE, 3M) pour le traitement de lésions radiculaires non carieuses présentant une dentine sclérotique chez 88 patients d’âge moyen et plus avancé (50 à 70 ans)(10). Une évaluation de la survie, de la qualité et des coûts de 92 restaurations, mises en place sans aucune préparation mécanique (ayant finalement entraîné des taux d’échec annuels élevés pour les deux groupes) a été réalisée sur une durée de 36 mois.

 

La qualité des restaurations a été évaluée après 1, 18 et 36 mois selon les critères de la Fédération Dentaire Internationale (FDI). Les coûts ont été évalués à l’aide d’une approche reposant sur le microcosting (comptabilisation du temps utilisé pour la mise en place du matériau) et, pendant le suivi, sur les prestations de l’assurance maladie obligatoire en Allemagne. Après 36 mois, une perte totale de rétention a été constatée pour 17 verres hybrides et 19 résines composites, et une perte partielle pour 5 verres hybrides.

 

Les coûts liés aux verres hybrides étaient nettement inférieurs, tant au début de l’étude (verres hybrides : 32,57€ [écart type 16,36€] par rapport aux résines composites : 44,25€ [écart type 21,40€]) et sur toute la période de suivi (verres hybrides : 41,72€ [écart type 25,08€] par rapport aux résines composites : 51,60€ [écart type 26,17€]).

 

Conclusion

Compte tenu de leurs meilleures propriétés biomécaniques, de leur rapport coût-efficacité et de leur
caractère plus tolérant vis-à-vis des complications généralement induites par les lésions radiculaires, les verres
hybrides peuvent offrir une excellente solution de restauration. Néanmoins, il est nécessaire d’obtenir davantage de données cliniques sur le traitement des lésions carieuses radiculaires.
À l’avenir, plus d’attention devrait être accordée aux mesures de prévention, aux traitements non invasifs et aux matériaux bioactifs, notamment l’utilisation d’argent
, dont le fluorure de diamine d’argent pour modifier les lésions. Jusqu’à présent, ces aspects ne disposent toutefois d’aucune donnée clinique.

 


 

Références bibliographiques :

(1) N. Takahashi, B. NyvadThe Role of Bacteria in the Caries Process: Ecological Perspectives
Journal of Dental Research 90(3) (2011) 294-303.

(2) F. Schwendicke, C. Splieth, L. Breschi, A. Banerjee, M. Fontana, S. Paris, M.F. Burrow, F. Crombie, L.F. Page, P. Gaton-Hernandez, R. Giacaman, N. Gugnani, R. Hickel, R.A. Jordan, S. Leal, E. Lo, H. Tassery, W.M. Thomson, D.J. Manton When to intervene in the caries process ? An expert Delphi consensus statement
Clin Oral Investig (2019).

(3) A.R. Jordan, J. Krois, U. Schiffner, W. Micheelis, F. SchwendickeTrends in caries experience in the permanent dentition in Germany 1997-2030 : Morbidity shifts in an ageing society
Scientific Reports 9(1) (2019) 5534.

(4) F. Schwendicke, J. Krois, U. Schiffner, W. Micheelis, R.A. JordanRoot caries experience in Germany 1997 to 2014 : Analysis of trends and identification of risk factors
J Dent 78 (2018) 100-105.

(5) R. Lopez, P.C. Smith, G. Gostemeyer, F. Schwendicke – Ageing – dental caries and periodontal diseases
J Clin Periodontol 44 Suppl 18 (2017) S145-s152.

(6) H. Meyer-Lueckel, V. Machiulskiene, R.A. GiacamanHow to Intervene in the Root Caries Process ? Systematic Review and Meta-Analyses, Caries Res 53(6) (2019) 599-608.

(7) S. Paris, A. Banerjee, P. Bottenberg, L. Breschi, G. Campus, S. Doméjean, K. Ekstrand, R.A. Giacaman, R. Haak, M. Hannig, R. Hickel, H. Juric, A. Lussi, V. Machiulskiene, D. Manton, A. Jablonski- Momeni, R. Santamaria, F. Schwendicke, C.H. Splieth, H. Tassery, A. Zandona, D. Zero, S. Zimmer, N. OpdamHow to Intervene in the Caries Process in Older Adults: A Joint ORCA and EFCD Expert Delphi Consensus Statement
Caries Res 54(5-6) (2020) 1-7.

(8) W. Tonprasong, M. Inokoshi, M. Shimizubata, M. Yamamoto, K. Hatano, S. MinakuchiImpact of direct restorative dental materials on surface root caries treatment. Evidence based and current materials development : A systematic review
Japanese Dental Science Review 58 (2022) 13-30.

(9) L. Pilcher, S. Pahlke, O. Urquhart, K.K. O’Brien, V. Dhar, M. Fontana, C. González-Cabezas, M.A. Keels, A.K. Mascarenhas, M.M. Nascimento, J.A. Platt, G.J. Sabino, R.L. Slayton, N. Tinanoff, D.A. Young, D.T. Zero, M.P. Tampi, D. Purnell, J. Salazar, S. Megremis, D. Bienek, A. Carrasco-LabraDirect materials for restoring caries lesions : Systematic review and meta-analysis-a report of the American Dental Association Council on Scientific Affairs
J Am Dent Assoc 154(2) (2023) e1-e98.

(10) F. Schwendicke, A. Müller, T. Seifert, L.M. Jeggle-Engbert, S. Paris, G. GöstemeyerGlass hybrid versus composite for non-carious cervical lesions : Survival, restoration quality and costs in randomized controlled trial after 3 years
J Dent 110 (2021) 103689.

 


 

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Épisode #04 / Comment nos patients ressentent leur bouche ?

le 18-01-2021

Série « Ce que nos patients nous révèlent. Données récentes. »
Épisode #04 / Comment nos patients ressentent leur bouche ? 

 

Cette vidéo a été réalisée avec le soutien institutionnel de U.labs (Fluocaril cosmétique), co-partenaire de l’étude clinique RestoData-2.

Dr Franck Decup, Chirugien-Dentiste, MCU-PH à l’Université de Paris.
Co-initiateur et co-investigateur principal de l’étude Resto-Data.

 

 

Première consultation

Après quelques questions sur sa santé générale, nous interrogeons le patient sur le motif de sa venue : « je dois avoir une carie docteur, une de mes dents s’est abimée, elle est un peu douloureuse depuis une semaine. Il va falloir soigner ça ! ».
Tout de suite, pour le praticien le raisonnement diagnostic s’engage : identifier la dent, déterminer la pathologie, choisir le meilleur traitement et le réaliser selon les recommandations actuelles.

Une fois le soin terminé, l’objectif thérapeutique atteint représente le succès du traitement pour le praticien et conduit à un soulagement de la douleur et une consolidation de la dent attendue par le patient.

Que savons-nous de la façon dont vivent les patients avec nos restaurations ?

L’étude observationnelle « Resto Data », réalisée récemment par des équipes scientifiques françaises, a permis une observation clinique et radiographique détaillée de 10 000 dents dont 3 200 étaient porteuses de restaurations, dans le but d’évaluer la santé dentaire chez l’adulte.

Mais comme l’a défini l’OMS, la santé dentaire n’est pas seulement l’absence de maladie dentaire ou le succès de leur traitement. La santé dentaire doit s’inscrire dans un état de complet bien-être physique, mental et social que le patient ressent.

 

Pour répondre à cette approche centrée sur la personne et prendre en considération non seulement les éléments d’évaluation clinique mais aussi l’avis du patient nous avons interrogé ce dernier sur sa satisfaction. Rappelons que tous les patients de l’étude avaient au moins une obturation coronaire pour répondre au critère de sélection.

 

Il existe un instrument d’auto-évaluation qui a été développé par Slade et Spencer dès 1994, avec pour objectif d’établir l’impact laissé par les traitements sur la santé bucco-dentaire (OHIP). Ce questionnaire est difficile à mettre en œuvre dans sa version originale : il ne comprend pas moins de 49 questions ! Il existe heureusement une version simplifiée comprenant 14 questions encore assez chronophage à renseigner. C’est pourquoi dans le cadre de l’étude Resto Data nous avons fait le choix de sélectionner seulement 6 grands items :

• La limitation fonctionnelle,
• La douleur physique,
• L’inconfort psychologique,
• L’incapacité physique,
• L’incapacité psychologique,
• L’incapacité sociale et le handicap.
Classons-les par l’ordre de l’importance que leur accorde les patients. Sans surprise c’est très largement la douleur physique qui tient le haut du panier. Parmi les patients reçus en consultation, plus de 40 % se plaignaient d’une douleur occasionnelle à très fréquente. Pour presque la totalité de ces patients une obturation défaillante a pu être corrélée.

27 % de patients ont également décrit un inconfort psychologique en rapportant être gênés par leurs dents, leur bouche ou leurs prothèses.

En revanche les autres paramètres précédemment cités sont très peu évoqués par les patients. Pour tous ces items, c’est moins de 10% des patients qui évoque des doléances.

 

L’ensemble de ces résultats nous permet de positionner cette étude par rapport aux données de la littérature mais nous avons choisi d’ajouter deux questions complémentaires :

« Êtes-vous satisfait de votre sourire ? ».
Et cela devrait nous redonner le nôtre, puisque que plus de 76 % le sont ! Pour le quart moins satisfait, il est mis en évidence que 91,5% d’entre eux présentaient au moins une obturation coronaire défaillante.

« Avez-vous fréquemment des bourrages alimentaires ? »
Plus de 30 % des patients y sont sujets. Et ce sont des patients dont au moins une obturation coronaire nécessitait d’être réparée ou refaite.

 

Au final que retenir de notre étude ?

• Il y a une bonne satisfaction globale des patients à vivre leur bouche.
• La douleur représente la principale source d’insatisfaction.
• 3/4 des patients sont content de leur sourire.
• 1/3 des patients se plaint de bourrage alimentaire en rapport avec leur restauration.

En conclusion

L’étude Resto Data montre que la perception des patients est corrélée de façon assez juste avec ses besoins de soins. Cela encourage écouter nos patients et à confronter le point de vue du soignant et celui du soigné. C’est l’intérêt de tous. A nous chirurgiens-dentistes d’engager cette approche !

 


Cette vidéo a été réalisée avec le soutien institutionnel de U.labs (Fluocaril cosmétique), co-partenaire de l’étude clinique RestoData-2.

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Épisode #03 / Les habitudes secrètes de vos patients

le 17-11-2020

Série « Ce que nos patients nous révèlent. Données récentes. »
Épisode #03 / Les habitudes secrètes de vos patients

 

Cette vidéo a été réalisée avec le soutien institutionnel de U.labs (Fluocaril cosmétique), co-partenaire de l’étude clinique RestoData-2.

Dr Franck Decup, Chirugien-Dentiste, MCU-PH à l’Université de Paris.
Co-initiateur et co-investigateur principal de l’étude Resto-Data.

 

 

88 % des patients adultes déclarent se brosser les dents au moins 2 fois par jour.
1% avoue ne pas le faire tous les jours !

 

C’est en tout cas ce que révèlent les chiffres de l’étude observationnelle « Resto Data », réalisée récemment par des équipes scientifiques françaises. À l’aide d’un questionnaire, les patients ont livré les secrets de leurs habitudes dans leur salle de bain et dans leur cuisine.

L’étude portait sur un groupe de patients composé à 57% de femmes et 43% d’hommes. Les proportions de nouveaux patients déjà venus dans le cabinet avant inclusion dans l’étude étaient quasi identiques.
Dans 70% des cas le motif de la consultation était de faire un bilan-contrôle. Toutes les catégories socio-professionnelles étaient représentées.

 

Entrons d’abord dans leur salle de bain :

• Avec 70% des patients annonçant 2 brossages quotidien et 18% allant jusqu’à 3, nous sommes clairement sur la bonne voie. Cependant lors de la consultation d’observation clinique l’évaluation de la quantité de plaque a montré que 30% des patients présentaient un indice modéré à élevé… Nous avons donc encore et toujours un travail d’éducation thérapeutique à effectuer de manière individuelle pour l’amélioration de la qualité du brossage.

• Il apparaît que la brosse à dents manuelle est utilisée dans la majorité des cas, pour 60%, et que le choix des Français se porte à parité sur des brosses souples ou sur des brosses médium. Notons que l’utilisation de brosses dures ne représente que 2% aujourd’hui, et c’est une bonne nouvelle pour les collets !
Pour 44% des patients, le choix s’est porté sur une brosse assistée, le plus souvent électrique rotative mais aussi sonique dans 3,5% des cas.

• Parmi les patients ayant renseigné le type de dentifrice utilisé, 67% d’entre eux affirment se brosser les dents avec un dentifrice fluoré.

 

Passons maintenant dans la cuisine :

Nous avons vu, dans le premier volet de cette série, que le facteur de risque alimentaire pesait sur les maladies bucco-dentaires pour 34% des patients.

En effet, l’analyse du questionnaire de l’étude Resto Data montre que :
• 26% des patients déclarent prendre au moins une boisson sucrée ou acide par jour,
• 25% des patients disent grignoter,
• 20% des patients reconnaissent des repas irréguliers, déséquilibrés,
• 15% des patients déclarent boire plus d’un verre d’alcool par jour.
Et ces habitudes sont cumulées pour 25% d’entre eux !

Ces données montrent que les facteurs de risques alimentaires sont réels et que le rôle du chirurgien-dentiste concerne aussi des investigations et des conseils sur l’alimentation.

 

La fréquence des consultations des patients adultes
65% des patients disent effectuer au moins une visite chez le dentiste tous les ans. 20% d’entre eux en font deux. 10% viennent tous les deux ans et 25% sont irréguliers.

Il serait utile de motiver ce dernier tiers de patients pour mieux contrôler l’activité de leurs maladies et pouvoir le cas échéant, traiter les lésions à des stades précoces, en respectant la préservation tissulaire.

 

Que retenir de notre étude ?

• La majeure partie des Français se brossent les dents 2 fois par jour en utilisant une brosse à dent adaptée.
• Nous devons encore les conseiller sur les bonnes habitudes d’hygiène dans une perspective d’amélioration.
• Un tiers de la population a des habitudes alimentaire à risque pour les dents.
• 35% doivent être convaincus de consulter leur dentiste au minimum une fois par an.

 

En conclusion

Notre étude Resto Data révèle la tendance actuelle de ce qui se passe dans la salle de bain et dans la cuisine des Français ! Ce sont de bons indicateurs qui nous rappellent qu’en tant que chirurgien-dentiste la prise en charge des patients doit contenir autant de conseils sur les techniques d’hygiène, sur les habitudes alimentaires, sur la surveillance de leur santé, que de dépistage systématique et de soins basés sur des données scientifiques récentes.

 

Retrouvez, dès décembre, le quatrième épisode de notre série « Ce que nos patients nous révèlent ».


Cette vidéo a été réalisée avec le soutien institutionnel de U.labs (Fluocaril cosmétique), co-partenaire de l’étude clinique RestoData-2.

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Épisode #02 / Prévalence des pathologies dentaires en 2020

le 14-10-2020

Nouvelle série « Ce que nos patients nous révèlent. Données récentes. »
Épisode #02 / Prévalence des pathologies dentaires en 2020

Dr Franck Decup, Chirugien-Dentiste, MCU-PH à l’Université de Paris.
Co-initiateur et co-investigateur principal de l’étude Resto-Data.

 

 
« Ce que nos patients nous révèlent. Données récentes. » est une série de 4 épisodes basés sur des données récentes spécifiques à l’univers dentaire.

 

L’indice CAOD moyen chez l’adulte en France est maintenant situé entre 11 et 13 selon l’âge. C’est bien, c’est 2 points de moins qu’il y a 10 ans quand un rapport stratégique de l’HAS estimait l’indice CAOD (somme des dents Cariées, Absentes et Obturées) entre 13 et 15.

 

Dans notre pays, très peu de données fiables sont disponibles pour évaluer la prévalence des pathologies dentaires dans la population des plus de 18 ans.

 

L’étude observationnelle « Resto Data », réalisée récemment par des équipes scientifiques françaises, avait entre autre pour objectif d’obtenir une image actualisée de la santé dentaire chez l’adulte basée sur une observation clinique et radiographique très détaillée. Des publications sont en cours mais nous pouvons déjà répondre à quelques interrogations.

 

En 2020, de quoi les patients souffrent ils ? Et donc que soignons nous ?

Carie, usure, traumatisme, anomalie, malposition, édentement quelle est la prévalence de ces pathologies ?

Dans un contexte où pour 35% des cas un traitement orthodontique a été réalisé et où l’on constate encore que 30% des patients ont un indice de plaque modéré ou abondante nous pouvons détailler chacune de ces atteintes dentaires :

 

• La carie reste la première maladie dentaire.
Lors de notre séance d’observation nous avons constaté que 42% des patients présentent une carie atteignant la dentine.
C’est encore beaucoup mais il y a une progression favorable : on observe une moyenne de 0,8 dent cariée à traiter par patient. C’est une baisse d’un tiers par rapport aux précédents chiffres connus qui était de 1 à 1,2 dents cariées à traiter.
Les classifications actuelles permettent aussi de répertorier les caries superficielles de l’émail. Elles existent chez 20% des patients. Principalement pour la tranche des 18-30 ans d’où la nécessité de proposer des traitements prophylactiques adultes pour contrôler leur évolution.
Les caries dentinaires du tiers externe représentent la moitié des caries observées. Dans ces cas, ce sont les traitements a minima et des restaurations adhésives qui peuvent être développés.
Finalement un faible pourcentage (15%) de patients (et plutôt des jeunes) souffre de caries profondes. Et l’on sait aujourd’hui que des solutions de préservation pulpaire sont souvent possibles pour améliorer le pronostic de la dent.

 

• De cette étude, il ressort aussi qu’avec 40% de patients présentant au moins une dent atteinte, l’usure représente aujourd’hui quasiment la même prévalence que la carie.
Ce phénomène d’origine chimique et/ou abrasif se développe progressivement avec le temps. En considérant uniquement les usures atteignant déjà la dentine, on trouve une moyenne d’une dent atteinte chez les 18-29 ans, de 2,8 chez les 30-59 ans et de 3,5 chez plus de 60 ans.

Compte tenu de l’aspect chronique de son développement et des tableaux sévères qu’elle peut engendrer, la prévalence importante de cette pathologie doit nous pousser à la diagnostiquer le plus tôt possible pour dispenser toutes les informations de prévention aux patients et stopper son évolution par des soins non invasifs les plus précoces possibles.

 

• Concernant les obturations, une moyenne de 8 à 9 dents par individu présentait déjà une restauration (2 antérieures et 6 ou 7 postérieures), dont 3 étaient à retraiter.

• Les dents absentes sont représentées essentiellement par les extractions à but orthodontiques chez les jeunes adultes.
La moyenne des édentements présents reste faible (3,5 dents manquantes en moyenne pour les 30-59 ans mais cela atteint encore 5,6 pour les plus de 60 ans).
Précisons quand même que dans notre étude les dents déjà remplacées par des prothèses implanto-portées n’étaient pas considérées comme un édentement. Seules celles compensées par une prothèse amovible ou non remplacées l’étaient.

 

Au final que retenir de notre étude ?

• L’indice CAOD actuel diminue favorablement et se situe entre 11 et 13 selon la tranche d’âge.
• Bien qu’en baisse sensible, la carie représente toujours la maladie dentaire numéro 1.
• Dans 2/3 des cas, les lésions carieuses diagnostiquées relèvent de la reminéralisation prophylactique ou de traitement a minima.
• L’usure à une prévalence presque identique à la carie et représente un défi équivalent.

 

Conclusion

L’étude Resto Data propose une véritable mise à jour des données de santé dentaire en France. Cela permet d’apprécier les orientations que nous pouvons donner à la prise en charge des maladies et aux traitements les mieux adaptés pour traiter les lésions. Le contrôle et les soins des maladies dentaires évoluent doucement mais sûrement !

 

Retrouvez, dès novembre, le troisième épisode de notre série « Ce que nos patients nous révèlent ».


Cette vidéo a été réalisée avec le soutien institutionnel de U.labs (Fluocaril cosmétique), co-partenaire de l’étude clinique RestoData-2.

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Épisode #01 / Nos patients ont le goût du risque

le 20-07-2020

Nouvelle série « Ce que nos patients nous révèlent. Données récentes. »
Épisode #01 / Nos patients ont le goût du risque

 

 

« Ce que nos patients nous révèlent. Données récentes. » est une série de 4 épisodes basés sur des données récentes spécifiques à l’univers dentaire.

Découvrez dès maintenant, le premier de ces épisodes par le Docteur Franck Decup, en vidéo.

 

60% des adultes vivent avec des facteurs de risques élevés pour leur dents. C’est un des résultats importants qui ressort d’une étude récente « Resto Data », réalisée par des équipes scientifiques françaises. Cette étude observationnelle a pour but de réaliser une mise à jour de données récentes de tous les éléments déterminant de la santé des dents : leurs pathologies (carie, usures, anomalies), leurs atteintes structurales (fracture, malpositions) et également faire une évaluation détaillée de toutes restaurations présentes.

 

Une des forces de l’étude Resto DATA est aussi de prendre en considération des données indirectes : les facteurs de risques du patient. En élargissant l’analyse on va chercher des paramètres dépendant de l’environnement et liés la bouche : c’est à dire sa santé, ses habitudes de vie, alimentation, hygiène. Tous ces éléments périphériques de l’équilibre de l’écosystème buccal importants car prédictifs des pathologies et de leur activité.
On obtient alors une vision globale sur la santé dentaire et ses liens avec les conditions d’équilibre propre au patient. Bientôt une publication internationale mais en avant-première, Franck Décup vous livre quelques informations.

 

Tout d’abord, nous pouvons donner une « photo » de la santé dentaire type d’un patient adulte qui consulte dans nos cabinets :

En moyenne ce patient a :
• 0 ou 1 carie,
• 8 ou 9 dents restaurées (2 antérieures et 6 ou 7 postérieures),
• et 3 sont à retraiter,
• 3 à 4 dents sont absentes (y compris les PM pour raison Orthodontique).

Mais ce qui est plus intéressant c’est quand on affine l’observation et que l’on détaille par tranches d’âge et en tenant compte de l’impact des facteurs de risque.

 

Pour les 18-29 ans :
• Avec peu de facteurs de risques = il y a 0 carie, 4 dents restaurées (un patient sur trois a un besoin d’un retraitement),
• Avec beaucoup de facteurs de risques (ce qui représente 65% de cette tranche) = on trouve 2 caries, 5 dents restaurées, (et un patient sur deux a un besoin d’un retraitement).

 

Pour les 30-59 ans :
• Avec peu de facteurs de risques = on trouvera 0 carie, 8 dents restaurées (dont 2 ont besoin d’un retraitement),
• Avec beaucoup de facteurs de risques = ce sera 1 à 2 caries, 9 dents restaurées, (dont 4 avec besoin d’un retraitement).

 

Pour les + 60 ans :
 Quand il y a peu de facteurs de risques = ils auront 0 carie, 11 dents restaurées (dont 4 avec un besoin d’un retraitement),
• Avec beaucoup de facteurs de risques = 1 à 2 caries, 11 dents restaurées (dont 5 ont besoin d’un retraitement).

 

Ces moyennes nous aident à avoir des repères pour évaluer la santé dentaire. Bien sur si les facteurs de risques sont élevés, la santé dentaire a de grande chance de se dégrader. Mais ils nous montrent aussi que peu de facteurs de risques correspondent à 0 carie !

 

Comment connaître le risque du patient ?

Pour être considéré comme ayant un risque fort, c’est-à-dire être dans les 60% évoqué au début, il faut :
• Soit cocher au moins deux facteurs liés à « l’environnement du patient ». Dans l’ordre pour les principaux on retrouve :
– Les déséquilibres alimentaires (comme le grignotage, les repas irréguliers l’excès de boissons cariogènes. Cela représente 34% des cas.
– Les pathologies (auto-immune, diabète, neurologiques ou chroniques) et leurs médicaments associés (généralement sialoprive). Cela représente 26% des cas.
– Et l’hygiène dentaire inefficace. Cela représente également 26% des cas.

 Soit avoir simplement un facteur de risque lié « directement aux dents ». Que ce soit carie dentinaire ou lésions d’usure active, trouvées respectivement pour 42% et 12% des patients.

 

Au final que retenir ?

• Quand on est en bonne santé, ce qui est normal est de ne pas avoir de carie (ni d’usure) et d’avoir des restaurations qui durent ! C’est possible et c’est aujourd’hui le cas de 40% de nos patients.

• Sachant que presque 2/3 de la population présente un niveau de risque élevé, même s’il n’y a pas de lésions visibles, cela doit nous inciter à rechercher systématiquement les facteurs de risque, pour en reprendre le contrôle et maintenir la bonne santé.

• Si une lésion active est diagnostiquée, c’est un signal fort qui met en évidence un déséquilibre plus global, à prendre en compte autant que l’acte clinique pour permettre un retour à la normale.

• Les restaurations dentaires vieillissent dans nos bouches, et d’autant plus vite qu’il y a des facteurs de risque. Elles doivent être suivies attentivement et renouvelées si besoin.

 

Donc oui, en 2020 la plupart d’entre nous vivent avec le risque ! Notre rôle est de donner des explications sur les maladies, des conseils pour le quotidien (habitudes, alimentation…), hygiène efficace et la prescription de facteurs protecteurs que sont les outils de brossage (brosse à dent et brossettes inter-dentaires) et des dentifrices à niveau de fluoration adapté.

 

En conclusion, l’étude clinique « RestoData » nous montre avec des chiffres que pour soigner les dents il faut aussi soigner le patient.

 

Retrouvez, dès septembre, le second épisode de notre série « Ce que nos patients nous révèlent ».


Cette video a été réalisée avec le soutien institutionnel de U.labs (Fluocaril cosmétique), co-partenaire de l’étude clinique RestoData-2.

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