Accueil >
S'informer
> Actualités >
Caféine avec les antibiotiques

La caféine et certains aliments peuvent réduire l’efficacité des antibiotiques

Étude, Actualité Par Dentalespace le 27-10-2025

Des travaux récents menés par l’équipe de la professeure Ana Rita Brochado (universités de Tübingen et de Wurtzbourg) révèlent que des composés largement présents dans l’alimentation, notamment la caféine, peuvent interférer avec l’action des antibiotiques. Ces résultats apportent un éclairage nouveau sur les mécanismes dits de résistance de bas niveau, qui ne reposent pas sur l’acquisition de gènes de résistance classiques, mais sur la modulation de la régulation génétique et de l’homéostasie bactérienne.

 

Un criblage systématique des interactions moléculaires

Afin d’étudier ces effets, les chercheurs ont soumis Escherichia coli (E. coli) – bactérie commensale mais aussi agent pathogène opportuniste responsable d’infections urinaires, de septicémies ou d’intoxications alimentaires – à 94 substances distinctes, comprenant des antibiotiques, des médicaments courants et divers ingrédients alimentaires.
Les analyses ont montré que certains de ces composés modifiaient l’activité de régulateurs transcriptionnels ainsi que des protéines de transport membranaires (pompes et canaux ioniques) qui régulent les échanges entre le cytoplasme et l’environnement extracellulaire. Toute altération de ces systèmes de transport peut affecter l’absorption intracellulaire de molécules thérapeutiques et donc la sensibilité bactérienne.

 

Caféine avec antibiotique

 

La caféine : un antagoniste de la ciprofloxacine

Parmi les substances testées, la caféine – présente dans le café, le thé et le cacao – s’est révélée particulièrement influente. Elle active le régulateur génétique Rob, déclenchant une cascade d’événements qui modifie l’expression de plusieurs protéines de transport chez E. coli. Cette réorganisation réduit l’entrée intracellulaire de la ciprofloxacine, antibiotique de la famille des fluoroquinolones, entraînant un affaiblissement de son efficacité.
Ce phénomène est qualifié d’interaction antagoniste : une molécule dépourvue d’effet antimicrobien direct diminue l’activité d’un agent antibactérien.

 

Des différences interspécifiques

Fait remarquable, cet effet n’a pas été observé chez Salmonella enterica, espèce proche d’E. coli. Cette disparité suggère que des variations dans les voies de transport membranaire ou dans leur rôle dans l’importation de médicaments expliquent la réponse différenciée entre espèces bactériennes.

 

Implications cliniques et alimentaires

Ces résultats soulignent la nécessité de prendre en compte les interactions aliment-médicament dans les stratégies thérapeutiques. La caféine n’est pas la seule molécule en cause :

  • Le jus de pamplemousse inhibe certaines enzymes hépatiques et intestinales (notamment le cytochrome P450 3A4), augmentant la biodisponibilité de médicaments tels que les statines ou les immunosuppresseurs.
  • Le thé réduit l’absorption du fer prescrit dans le traitement de l’anémie ferriprive.
  • La vitamine K contenue dans certains légumes (choux, brocolis, épinards, persil) interfère avec l’efficacité des anticoagulants oraux (antagonistes de la vitamine K).
  • La réglisse potentialise l’hypertension artérielle en diminuant l’efficacité des antihypertenseurs.
  • Certains fromages riches en tyramine sont à proscrire sous traitement par IMAO (inhibiteurs de la monoamine oxydase), en raison du risque de crises hypertensives.

 

caféine, fruits, légumes avec médicaments

 

Une vigilance accrue pour les prescripteurs et les patients

La mise en évidence d’une interaction négative entre la caféine et la ciprofloxacine illustre combien les habitudes alimentaires peuvent modifier la pharmacodynamie des traitements antimicrobiens. À l’avenir, les médecins devront envisager non seulement la molécule prescrite et sa posologie, mais aussi les apports alimentaires ou médicamenteux concomitants susceptibles d’altérer l’efficacité thérapeutique.

 


Cet article vous est proposé par l’équipe de Dentalespace.

 

Références bibliographiques

Christoph Binsfeld, Roberto Olayo-Alarcon, Lucía Pérez Jiménez, Morgane Wartel, Mara Stadler, André Mateus, Christian Müller, Ana Rita Brochado – A systematic screen uncovers the contributions of regulators to chemical signals in Escherichia coli.
Publié le 22 juillet 2025, PLOS Biology. DOI : 10.1371/journal.pbio.3003260.

 

FavoriteLoadingAjouter aux favoris Partager avec un ami
Partager