S’il est certain qu’au sein du grand public l’effet “fascinateur” de Messmer contribue à intriguer et donc à susciter l’intérêt, les indications médicales de l’hypnose sont connues depuis fort longtemps.

Avulsion sous hypnose ; bras gauche de la patiente en catalepsie (Dr Revise)
Les chamanes, il y a 20000 ans, comme les Égyptiens des pharaons, depuis 4000 ans, ont pratiqué le concept de suggestion, de continuum entre le corps et l’esprit. A la fin du 18 ème siècle, le médecin allemand Franz Anton MESMER décrit le magnétisme animal, et dans la seconde moitié du 20 ème siècle, Milton Hyland ERICKSON pose les bases de ce que l’on nommera plus tard l’hypnose éricksonienne.
L’hypnose n’est donc, ni une mode, ni une tendance et encore moins un numéro de spectacle, mais un outil désormais incontournable reconnu en médecine. Nous sommes de plus en plus nombreux à appliquer quotidiennement cet exercice qui consiste à obtenir du patient un état modifié de conscience, où l’esprit, absorbé par une pensée, échappe à la réalité. Il est ici et ailleurs. Contrairement aux idées reçues, cette transe ne permet pas seulement l’avulsion d’une dent sans anesthésie chez des patients allergiques ou totalement phobiques, mais elle est toujours présente pendant les soins. En décembre 2015, sur D8, le Dr Bruno Delcombel a fait la démonstration d’une extraction sans anesthésie par infiltration, mais uniquement sous induction hypnotique. Il précise alors, pour ne pas duper les téléspectateurs que ce protocole sans anesthésie classique est rare.
Si nous voyons fleurir chaque mois de nouvelles formations, c’est que de nombreuses sociétés scientifiques ou organismes mercantiles y ont vu leur intérêt. L’hypnose ne s’enseigne pas en cours magistral et au-delà des vidéos et démonstrations, c’est par un accompagnement adapté à chacun que l’on peut transmettre la connaissance qui permet de mettre en application cette technique dès le retour au cabinet. Derrière les sessions de formation, il m’apparaît incontournable de bénéficier d’un suivi personnalisé qui permet au praticien de maitriser les techniques qui vont bien au-delà de ce que l’on désigne par outil hypnotique. En effet, n’est pas hypnotiseur qui veut, car il est indispensable de bien connaître ses limites dans le cadre de son exercice et ne pas jouer aux apprentis sorciers avec des manipulations mentales qui peuvent être catastrophiques pour le patient. L’hypnose se doit de rester dans le respect d’une éthique médicale stricte.
Aujourd’hui, les difficultés d’exercice en cabinet vont croissantes. Nous subissons de plus en plus de contraintes administratives, nos patients sont de plus en plus exigeants et la crise économique qui perdure amplifie le stress de nos confrères jusqu’à pousser certains au désespoir, voire au “burn-out”.
Il ne faut donc pas s’étonner que certains cherchent à retrouver du confort dans une profession qui se spécialise de plus en plus, où les outils technologiques donnent parfois l’impression qu’ils prennent le pas sur la relation thérapeutique. Intégrer l’hypnose dans son exercice est un investissement qui ne se compare pas à l’acquisition des outils de CFAO, d’un cone-beam, d’un microscope ou d’un laser, car nous avons déjà tous plus ou moins en nous les ressources nécessaires… reste à apprendre à les exploiter ! Le bénéfice de cet apprentissage ne réside pas uniquement dans l’acte thérapeutique, mais il s’impose aussi à titre personnel dans un mieux vivre.
L’hypnose éricksonienne, également pratiquée en soins palliatifs, dans certains centres antidouleur, et en neurochirurgie, est une approche empathique privilégiant l’humanité de la relation médicale qui soulage le patient autant qu’elle apaise nos conditions d’exercice dans le confort et la sécurité. « Il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j’en susse rien » nous dit monsieur Jourdain et de la même façon, nous pratiquons tous l’hypnose sans le savoir…
cher ami,
je suis entièrement d’accord avec votre approche de la formation en hypnose et de son utilisation en cabinet. Cela me touche d’autant plus que j’ai été diplômé en hypno sophrologie dès 1985 par le Dr Cherchève. Sa formation, passionnante, m’a permis de découvrir un monde différent et de comprendre tout l’intérêt d’une relation harmonieuse avec le patient. Comme vous le dites, plus qu’une technique spécifiquement utilisée pour un patient donné, il s’agit d’une “approche” à mettre en place pour tout un chacun.
La formation dispensée alors concernait aussi la mise en oeuvre par le praticien d’auto hypnose, permettant de se détendre et d’éviter ainsi ce burn out que vous évoquez.
Dernier point, qui n’est pas sans m’amuser: pour les membres du conseil de l’ordre, à l’époque, je “sentais le soufre”…Un étudiant nantais qui souhaitait quelques années plus tard réaliser sa thèse sur le rôle de l’hypnose en dentisterie s’est vu conseillé d’opter pour un autre sujet…et aujourd’hui on ne parle plus que de cela, et l’hypnose semble être une panacée susceptible d’apporter le succès…surtout financier pour ceux qui s’emploient à la divulguer!
Merci Pierre pour ce commentaire…
Oui, ne nous étonnons pas de la dérive mercantile des formations en général. L’hypnose n’y échappe pas, pas plus que l’implantologie, la paro, l’endo, et toutes les autres spécialités dentaires. Je n’en garde que le côté positif, à savoir que la sédation par l’hypnose est donc reconnue comme un “outil” qui a sa place dans nos cabinets. Quand je me suis installé en 1989, après quelques années de collaboration, j’ai questionné l'”ordre” sur le protoxyde d’azote en mélange 50/50, que l’on n’appelait pas encore MEOPA. Il m’a été répondu que c’était une technique qui n’était pas d’usage en France et que si j’avais un problème, l'”ordre” ne me couvrirait pas ! On a souvent tort d’avoir raison trop tôt !