En dentisterie, l’éclaircissement fait partie des thérapeutiques les moins invasives et est de plus en plus demandé par nos patients. Son principe repose sur l’oxydoréduction entre la molécule de chromogène et une molécule décolorante (le peroxyde d’hydrogène). Cette réaction entraine la dégradation de la structure tridimensionnelle des molécules pigmentées modifiant l’aspect de la dent en la rendant plus claire.
De nombreux protocoles et techniques ont été proposés depuis plus de 150 ans, et depuis 2013, l’Union européenne a fixé les concentrations de produits entre 0,1 et 6% de peroxyde d’hydrogène.
Aujourd’hui, la majorité des patients sont traités en ambulatoire avec des systèmes de gouttières et des concentrations de 10 à 16% de peroxyde de carbamide (combinaison de peroxyde d’hydrogène et d’urée).
Ces gouttières sont réalisées le plus souvent en thermoformage sur des modèles.
Fig. 01 : gouttières imprimées.
Aujourd’hui deux options s’offrent à nous pour enregistrer les arcades et créer les modèles : l’empreinte traditionnelle avec des matériaux à empreinte ou l’empreinte optique combinée à l’impression 3D. Dans les deux cas, la réalisation des gouttières repose sur la création de modèle physique, support du thermoformage. Cette approche classique a fait ses preuves et donne d’excellents résultats.
L’objectif de cet article est de proposer l’emploi des outils numériques tout au long de la gestion des cas d’éclaircissement. De l’analyse au suivi du résultat en passant par la création des gouttières. Le numérique nous donne de nouveaux outils pour faciliter la gestion des cas et diminuer le nombre des étapes nécessaires à la réalisation des traitements.
Analyse
Avant d’envisager l’éclaircissement, le praticien doit réaliser un examen clinique minutieux afin de valider que la cavité buccale est saine, préalablement à toute thérapeutique.
Dès cette étape, des outils numériques vont pouvoir aider à compléter cet examen clinique à l’aide des technologies diagnostiques comprises dans les scanners intra-oraux : lésions carieuses ou sites à risque, usure avec d’éventuelles plages de dentines exposées, récessions… Autant de paramètres analysés par le logiciel diagnostique (Dx Plus 3Shape). Enfin, les zones à risque de rétention de plaque sont aussi mentionnées pour expliquer au patient comment améliorer son hygiène bucco-dentaire.
Le bilan est exhaustif et un rapport peut être généré dans le dossier du patient.
Fig. 02 : rapport diagnostique (Dx Plus 3shape).
Modélisation et production des gouttières
Nous allons utiliser la même empreinte optique pour générer directement la gouttière d’éclaircissement.
Le logiciel de conception de gouttières occlusales peut être utilisé à cet effet. Nous pouvons paramétrer l’épaisseur souhaitée et dessiner les limites de nos gouttières. Les outils du logiciel permettent de compenser les contre-dépouilles et même de créer des réservoirs si nous le souhaitons.
Fig. 03 : conception de la gouttière d’éclaircissement (3Shape Splint Studio).
Les fichiers gouttières générés sont ensuite envoyés vers le logiciel de l’imprimante 3D pour être produits.
L’angulation des pièces est adaptée selon la position des supports nécessaire à l’impression pour éviter que ces derniers ne soient positionnés dans l’intrados des gouttières et conserve le meilleur ajustage.
Le matériau que nous choisissons a été validé par le fabricant pour ce type d’application (LT Comfort, Formlabs). C’est un matériau biocompatible qui peut aussi être utilisé pour la réalisation de gouttières, il a la particularité de gagner en souplesse dès lors qu’il est réchauffé. Cette propriété est très intéressante car elle rend le port des gouttières plus confortable.
Après lavage à l’alcool isopropylique, retraits des supports et polymérisation à 360° en immersion dans l’eau (recommandations du fabricant), nos gouttières sont prêtes. Leur fabrication ne nécessite pas la production de modèles, ce qui nous fait gagner une étape. De plus, le matériau étant imprimé, il n’est pas sensible aux déformations contrairement aux gouttières thermoformées.
Fig. 04 : gouttières imprimées (résine LT Comfort Formlabs).
Enregistrement de la teinte initiale
Avant de commencer le traitement, nous réalisons un enregistrement de la teinte des dents, cette information nous permettra de comparer l’évolution de l’éclaircissement tout au long du traitement. Ce relevé se fait à l’aide d’un spectrophotomètre (Cobra Borea), outil objectif du relevé de teinte.
Fig. 05 : relevé de la couleur à l’aide du spectrophotomètre (Cobra Borea).
Fig. 06 : photos de la teinte initiale en lumière naturelle et polarisée.
Dans le logiciel (Vision Borea) nous avons préalablement créé un cas dans le module éclaircissement, où seront centralisées données et photos. Nous pouvons baser nos informations sur une ou plusieurs dents en fonction des dyschromies et /ou des écarts entre chacune des dents.
Fig. 07 : photos de la teinte initiale en lumière naturelle et polarisée.
La valeur donnée se base sur une moyenne de la teinte de la dent, une référence est donnée en LAB, LCH et le teintier du commerce (ici Vita Bleachedguide).
Fig. 08 : analyse de la teinte de la dent.
Un des avantages de ce relevé numérique est la possibilité d’exploiter des outils de prédiction quant aux résultats que l’on peut attendre.
Cet outil se base sur des algorithmes développés par trois auteurs : Herrera, Ishikawa, et Ceinos. Ils donnent des tendances de teintes attendues en fonction des valeurs L*a*b.
Fig. 09 : interface du module éclaircissement avec choix des prédictions.
L’avantage de ce module de prédiction est de renforcer la communication auprès du patient. Au début du traitement mais aussi en amont lorsque le patient a besoin de se projeter sur le résultat attendu de son traitement.
L’objectivité du relevé ainsi que la clarté de l’information délivrée permettent au patient comme au praticien de s’engager dans un traitement de manière fiable et en toute sécurité.
Les consignes d’hygiène, et de ports des gouttières sont données au patient avec une démonstration de la mise en place du produit. Le protocole est « sur mesure » en fonction du risque de sensibilité et du gain de teinte escompté.
Fig. 10 : essayage des gouttières.
Le patient peut être revu lors de séance intermédiaire pour valider l’évolution selon le pronostic attendu.
Validation du résultat
Après la fin du traitement, nous attendons 15 jours, le temps que « l’effet rebond » lié au relargage d’oxygène soit dissipé et ainsi la teinte stabilisée.
Fig. 11 : résultats dent par dent et comparaison aux prédictions.
Fig. 12 : relevé de teinte 15 jours après la fin du traitement.
Nous procédons alors à un nouveau relevé et comparons-le à nos données initiales et aux prédictions. Des photos sont là encore réalisées avec un échantillon de teinte pour objectiver l’information.
Conclusion
Les outils numériques se prêtent très bien à l’éclaircissement. De l’analyse clinique à la prédiction des résultats, la communication avec le patient est facilitée et le consentement encore plus éclairé.
L’archivage des données et l’objectivation des résultats sont autant de moyens essentiels au suivi et à la validation des traitements esthétiques. De plus, la possibilité de faire des relevés de couleurs et de pouvoir comparer avec les données antérieures permettront de valider la date de réintervention et de réaliser un suivi des patients au long cours.
Cet article a été rédigé par le Dr Edouard LANOISELEE.
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