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La motivation praticien/patient… Une histoire d’œuf et de poule ?

Par Michel ABBOU le 10-03-2020
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S’il faut désigner un commencement à toute histoire de relation thérapeutique, c’est bien en termes de motivation que cela s’énonce : celle du patient qui se décide à consulter et celle du praticien disposé à le recevoir. Pour autant, nous savons tous que ces motivations se déclinent à la forme plurielle (1) ; la plus prépondérante côté patient réside dans la douleur apparue ou dans la peur qu’elle s’installe, tandis que côté praticien elle consiste essentiellement à soulager-soigner-réhabiliter selon les préceptes de l’enseignement reçu et du serment d’Hippocrate.

Les réseaux sociaux sont le formidable reflet de notre société, avec des aspects positifs qui côtoient les plus négatifs. Je ne m’y suis investi personnellement que depuis fin 2016, à la demande d’un éditeur professionnel qui m’a démontré leur efficacité quant à l’audience qu’on peut y trouver, infiniment supérieure à celle que je pouvais rencontrer avec mes publications et conférences conventionnelles, comme en conviennent d’autres auteurs et enseignants (2). J’ai alors pris la peine de m’inscrire dans des groupes professionnels… Au sein desquels on trouve finalement à boire et à manger comme partout ailleurs ! Avec l’expérience, je me suis retiré de certains groupes que j’estimais sans intérêt, voire délétères… Et j’ai fini par créer mon propre groupe PSBD – Professionnels de la Santé Bucco-Dentaire à défaut de trouver parfaitement mon compte dans les groupes préexistants. C’est la même démarche qui m’avait conduit à fonder ma société de communication et d’enseignement SI-CT MIEUX en fin 2013… Vous aurez ainsi compris que ma motivation personnelle siège également au niveau de la communication et du partage du savoir (3).

En tant que chirurgiens-dentistes, le terme de motivation nous renvoie presque systématiquement à l’hygiène bucco-dentaire. Que ce soit dans notre vraie vie professionnelle ou sur nos réseaux sociaux, c’est bien de cette motivation-là qu’il est le plus souvent question. Ce qui en ressort aussi, ce sont les « lamentations » de mes consœurs et confrères face au manque d’hygiène des patients, mettant ainsi en péril la pérennité de nos soins attentionnés et bienveillants, voire générant une sorte d’autocensure que nous nous infligeons : ne pas nous investir dans un programme thérapeutique tant que cette hygiène n’est pas au rendez-vous. Tout cela est somme toute conforme à notre enseignement et ce ne sont guère les parodontistes exclusifs qui contrediront cette posture ! Pour autant, il faut aussi reconnaître qu’à part dans ces cabinets spécialement orientés vers la parodontologie, les praticiens généralistes s’investissent peu ou pas dans le domaine de la prophylaxie bucco-dentaire ; d’une part parce que notre nomenclature professionnelle est peu incitatrice en la matière (1) et d’autre part par manque de temps et de moyens : le corps des hygiénistes n’est malheureusement pas encore au programme de notre Code de la Santé (4).

 

Où veux-je en venir ?

J’ai fait le pari et pris le parti, depuis quelques années de poser le problème à l’envers : « et si je commençais par prouver à mes patients mes bonnes dispositions à satisfaire leurs motifs de consultation et de préoccupation avant d’imposer mes règles et prescriptions ? », « si je faisais en sorte de mériter leur choix de praticien avant de leur imposer des règles de fonctionnement ? »…

C’est non seulement ce que j’ai fait, mais c’est aussi ce que je m’évertue à enseigner et à démontrer à mes collègues à l’occasion de mes conférences, quelle qu’en soit la thématique. Car après tout, existe-t-il un domaine thérapeutique où le patient n’est pas le centre du sujet qui mérite à la fois notre respect et notre attention, avant même la satisfaction de notre ego ou de notre positionnement professionnel ?

L’exemple iconographié ci-dessous illustre – parmi tant d’autres – le succès assuré par cette « démarche à l’envers », tellement gratifiante au quotidien !

 

Fig 1 – Ce patient provincial m’a consulté sur recommandation, en exprimant simplement un souhait de réhabilitation fonctionnelle rapide et efficace susceptible de lui redonner le plaisir de manger « à pleines dents »… Ce qui a abouti au résultat ci-dessous avec une durée de traitement d’environ 3 ans non pas imputable aux exigences en timing de ce dernier, mais aux faibles disponibilités du patient qu’il fallait ajuster aux faibles disponibilités de mon propre agenda professionnel.

Réhabilitation fonctionnelle rapide et efficace

La première observation qu’il convient de formuler, est que si le résultat (exprimé ci-dessus radiologiquement) est satisfaisant, il aurait pu à l’évidence arborer un tout autre aspect en fonction du praticien opérateur (5, 6).

 Il semble tout aussi important de remarquer que le plan de traitement engagé a au moins le mérite d’avoir abouti à une reconstruction solide et satisfaisante (ce qui n’est pas le cas de tous les programmes thérapeutiques) !

 Enfin, il va sans dire que ce patient qui avait abandonné longtemps le principe d’un suivi dentaire régulier, n’est pas arrivé à mon cabinet avec une qualité d’hygiène bucco-dentaire irréprochable. Il nous a donc fallu intégrer cette problématique dans le planning thérapeutique… Ce que nous avons fait, sans en faire un préalable impératif à toute action de reconstruction. Nous avons simplement instillé nos principes en la matière à « doses homéopathiques » mais de façon continue, avec un accompagnement au fauteuil quasi-systématique parallèlement aux autres actions de notre programme thérapeutique.

C’est l’épilogue de cette relation thérapeutique qui est le plus intéressant : alors que la réhabilitation fonctionnelle souhaitée et formulée au commencement était considérée comme achevée (avec une hygiène bucco-dentaire parallèlement améliorée), c’est le patient qui est devenu demandeur de soins complémentaires (non proposés ni même évoqués par l’équipe soignante) !

 

Fig. 2 – Le patient a bien intégré la maîtrise des techniques d’hygiène bucco-dentaire et est satisfait du résultat esthético-fonctionnel de sa réhabilitation. C’est alors lui qui attire notre attention sur ces petites récessions et zones de faiblesse gingivale, en demandant une solution à mettre en œuvre…

 

Fig. 3 – Renforcement gingival au maxillaire antéro-supérieur (à la demande du patient !).

Greffe gingivale multiple

 

Fig. 4 – Renforcement gingival  bilatéro-mandibulaire (à la demande du patient !).

… Et le patient de nous annoncer ses prochains projets thérapeutiques :

1 • Correction des mini-récessions gingivales en zone incisive mandibulaire (!)

2 • Consulter un orthodontiste sur ma recommandation pour entreprendre un traitement Invisalign (qui ne relève pas de mes compétences) au maxillaire antérieur ;

3 • Éclaircissement du sourire (cerise sur le gâteau !)

Double greffe gingivale latero-mandibulaire

 

Alors bien-sûr, d’aucuns rétorqueront que quelques histoires de patients ne font pas la règle et que les postulats universitaires ont bien leurs raisons d’être. Je me suis déjà exprimé à ce sujet (6) et c’est à l’aune de mon expérience que j’affirme mon positionnement clinique, avec une conclusion qui s’énonce en un proverbe + deux citations :

1 • « Celui qui veut réussir trouve un moyen. Celui qui ne veut rien faire trouve une excuse. »

2 • « La connaissance s’acquiert par l’expérience ; tout le reste n’est que de l’information. »
— Albert Einstein

3 • « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. »
— Charles Darwin

 

Références bibliographiques

(1) Agir pour la Santé Dentaire : La santé bucco-dentaire, un enjeu de santé publique — ASD – 28-03-2018

(2) Stéphane Simon : Réponse au billet de Michel Abbou « Nos trompeuses convictions professionnelles » — Paroles d’experts sur Dentalespace.com, 21-01-2020

(3) Stéphane Viennot : Partageurs de savoir – Edito — Éditions CdP.fr – 01-10-2018

(4) Les hygiénistes dans le paysage européen — Dentalespace.com, 20-07-2015

(5) Michel Abbou : Nos trompeuses convictions professionnelles — Paroles d’experts sur Dentalespace.com, 12-12-2019

(6) Michel Abbou : Le bon sens clinique envers et contre les dogmes institutionnels — Dentoscope n° 168, Nov 2016 ; 12-26 – éditions EdP dentaire

 

FicheAuteur

Michel Abbou
– Exercice privé à Paris 75008
– Fondateur et directeur scientifique de SICTmieux depuis 2013.

Ses formations

 

Colloque National - 21-01-2021

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