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Traiter-Conserver ou Extraire-Remplacer : observations factuelles suite aux avis d’experts

Par Michel ABBOU le 15-06-2017
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Alors que nous publions les réponses des experts sollicités comme c’est l’usage dans le cadre de cette rubrique, je tiens ici :

  • Tout d’abord à remercier ces praticiens et universitaires d’accepter si gentiment de jouer le jeu de la controverse, pour le plus grand plaisir de nos lecteurs conscients ainsi de ne pas avoir affaire à une « bande de copains » liés par une pensée unique;
  • À féliciter particulièrement Jacques VERMEULEN pour la production de son article original faisant état d’un “arbre décisionnel” bien fondé et bien équilibré entre les attentes du patient d’un côté, notre approche diagnostique et notre arsenal thérapeutique de l’autre ;
  • À dénoncer le fait que certains lecteurs – y compris parmi les experts – ont une tendance regrettable à parcourir un article en y retenant que les images ou ce qu’ils croient reconnaître en la personnalité de son auteur; un classique (1) ! C’est le cas ici par exemple des docteurs DERSOT et JOACHIM qui perçoivent ma publication comme une “apologie du on extrait tout et on remplace par des implants“… Alors que:

 

1/ J’ai pris la peine de préciser que j’argumentais la pertinence d’une facette de notre arsenal thérapeutique permettant de résoudre élégamment des problématiques exceptionnelles et délicates (les praticiens-critiqueurs ne peuvent nier, au passage, que les patients en question n’avaient pas trouvé « chaussures à leurs pieds » – ni chez eux ni ailleurs – avant d’entreprendre les solutions implantaires qui ont été mises en œuvre);

2/ Ces solutions “radicales” relèvent souvent du motif même de la consultation initiale; le chirurgien-dentiste auréolé de son titre de docteur a tendance à oublier que l’anamnèse et l’écoute du patient sont les premiers indicateurs susceptibles d’orienter la bonne stratégie thérapeutique à mettre en œuvre. Coïncidence, au moment où j’écris ce billet, j’apprends avec sourire la programmation au 29-05-2017 d’une journée commune SFPIO-INSERM dont le thème est sous-titré comme une injonction : « LES DENTISTES A L’ECOUTE DES PATIENTS »… Une prise de conscience que ce n’était pas la règle jusqu’à présent ?!

3/ En tant qu’implantologue, je déplore au quotidien de recevoir des patients en phase de parodontite “terminale” suite à négligence ou, au contraire, à acharnement thérapeutique… Ne laissant in fine au patient que ses yeux pour pleurer le temps et l’argent investis dans les cabinets dentaires, aboutissant à l’insuffisance ou l’absence d’os résiduel susceptible d’accueillir un ou des implants! … Ce qui amène à la question du « meilleur moment » pour passer à l’acte implantaire (Fig. 1a-1b-1c) ?

4/ Le docteur JOACHIM affirme haut et fort que les meilleurs implants sont ceux que le «Bon Dieu» nous a donnés… C’est à dire nos propres dents et racines. Néanmoins et quand l’implantologie s’avère incontournable… (Sic). C’est bien là que nos avis divergent: selon moi les dents naturelles ne sont avantageuses qu’à la condition minimale qu’elles soient en état d’assurer pleinement leurs fonctions essentielles, ce qui suppose une certaine intégrité dent/parodonte (voir ci-dessous).

5/ Si nombre de parodontistes se disent satisfaits des traitements au long cours qu’ils prodiguent à leurs patients, il n’en demeure pas moins que la satisfaction des patients est rarement mesurée ni même évoquée. Factuellement, la littérature scientifique internationale qui prend en considération l’indice OHIP-14  apparaît clairement comme très favorable pour les patients traités par des implants (2-3)… Tout en pointant un inconfort de vie proportionnel à l’affaissement du support parodontal des personnes en denture naturelle (4) !

Tandis que notre profession se voit aujourd’hui menacée d’être clouée au pilori par le dogmatisme comptable et démagogique de nos gouvernants politiques (je fais ici allusion à la loi MST récemment confortée par le règlement arbitral), les praticiens progressistes doivent aussi mener combat contre le dogmatisme tenace de notre corps enseignant français (5) qui pourrit l’esprit d’audace et d’innovation pourtant nécessaire au progrès de la science et de la clinique. C’est bien cet esprit progressiste qui animait le professeur P-I BRANEMARK lorsqu’il a bouleversé les codes thérapeutiques avec l’avènement de l’implantologie ostéointégrée (6). L’establishment universitaire a longtemps résisté, mais a fini heureusement par capituler (7) !


ILLUSTRATIONS CLINIQUES

1
Fig. 1a : Ce patient de 57ans (en 2011) est suivi depuis 5 ans dans un cabinet de parodontologie. Les soins réguliers lui permettent de mieux supporter un inconfort fonctionnel quotidien (petites douleurs et mobilités dentaires, tassements alimentaires…) jusqu’à ce que son parodontiste lui annonce l’inéluctabilité des extractions en secteur 2 pour poser des implants. C’est donc avec un certain sentiment de déception qu’il vient alors me consulter et m’entendre confirmer le diagnostic et le pronostic…

 

2
Fig. 1b : Le protocole d’extractions-implantations immédiates donne entière satisfaction au patient qui retrouve rapidement confort et fonctionnalité sur son côté gauche.

 

3
Fig. 1c : C’est le patient qui sera demandeur du même protocole pour le côté droit (haut et bas) car il a enfin goûté aux bienfaits et à la sécurité apportés par le traitement implanto-prothétique, comparativement aux 5 ans de maintenance parodontale… surtout bénéfique à son parodontiste. La maintenance bucco-dentaire est poursuivie aujourd’hui dans un climat serein et dépourvu d’appréhension côté praticien comme côté patient !


RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. R. BARTHES : Le message photographique
Communications – Année 1961 Volume 1 Numéro 1 pp. 127-138
2. BK. AL-ZAREA : Assessment and Evaluation of Quality of Life (OHRQoL) of Patients with Dental Implants Using the Oral Health Impact Profile (OHIP-14) – A Clinical Study.
J Clin Diagn Res. 2016 Apr; 10(4):ZC57-60. doi: 10.7860/JCDR/2016/18575.7622.
3. CA. BABBUSH : Posttreatment quantification of patient experiences with full-arch implant treatment using a modification of the OHIP-14 questionnaire.
J Oral Implantol 2012; 38:251-60
4. H. JANSSON, Å. WAHLIN, V. JOHANSSON, S ÅKERMAN, N. LUNDEGREN, PE ISBERG, O. NORDERYD :
Impact of Periodontal Disease Experience on Oral Health–Related Quality of Life
J of Periodontol. Online, 2014; 85 (3): 438-445
5. M. ABBOU : Le bon sens clinique envers et contre les dogmes institutionnels.
Dentoscope n° 168, Nov 2016 ; 12-26 – éditions EdP dentaire
6. P-I BRANEMARK, G-A ZARB, T. ALBREKTSSON : Tissue-Integrated Prostheses: osseointegration in Clinical Dentistry.
Chicago: Quintessence Publishing Co, 1985
7. P. SAFAR, C. TOUBOUL : L’histoire clinique, hommage à J-C HARTER
« Pourquoi j’ai jeté mon iconographie clinique aux oubliettes »
JSOP, FEV. 2009; 26-27

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