
Diagnostic en orthodontie : coordination des professionnels de santé
Orthodontie Par Christophe KAZEK, Frédéric VANPOULLE le 16-06-2025Le diagnostic en orthodontie
Le diagnostic en orthodontie ne doit pas se limiter aux observations squelettiques et dento-alvéolaires. La dimension médicale du traitement implique une prise en charge globale du patient.
Les causes des dysfonctions doivent être prises en compte au moins autant que les conséquences. Dès lors, il faut évoquer les diagnostics qui vont amener au plan de traitement du patient en tenant compte de l’âge de ce dernier. Il faut alors évoquer la notion de différents diagnostics servant à établir un diagnostic global.
Le diagnostic squelettique
Le diagnostic squelettique est effectué à l’aide d’un orthopantomogramme, appelé plus communément panoramique dentaire, et d’une téléradiographie de profil. L’analyse céphalométrique permet de mesurer avec précision les différents paramètres de la face tant au niveau des dents que des os. Ainsi, il est possible de quantifier les malocclusions et d’établir un plan de traitement individualisé, adapté à chaque patient.
Fig. 01 : exemple de téléradiographie de profil.
Des mesures d’angles anatomiques selon les différentes écoles sont réalisées sur chaque patient, ainsi, nous possédons une connaissance parfaite de la morphologie propre de chacun de nos patients.
On peut ajouter à ces deux clichés une radiographie du poignet permettant de préciser l’âge osseux du patient, intéressant lorsque l’on souhaite déterminer le moment le plus fort de la croissance du patient. Ce diagnostic squelettique permettra de déterminer le ou les décalages des bases osseuses par rapport au reste du crâne ou des bases entre elles.
Le diagnostic alvéolaire et dentaire
Le diagnostic alvéolaire et dentaire permet de déterminer les décalages des organes dentaires entre eux (DDD : Dysharmonies Dento-Dentaires) mais aussi des manques ou excès de l’os alvéolaire dans les trois plans de l’espace (DDM : Dysharmonies Dento-Maxillaire).
Ces mesures permettront notamment de déterminer les besoins potentiels d’extraction ou de réduction amélaire interproximale pour présenter un plan de traitement éclairé au patient.
Le diagnostic fonctionnel
Le diagnostic fonctionnel a souvent été délaissé ou effectué de façon succincte et mal exploitée par le passé mais il est d’une importance considérable ! Par l’analyse des fonctions de respiration, de déglutition, de phonation… on va permettre de comprendre les différents manques ou excès rencontrés dans l’analyse des diagnostics précédents.
La grande notion de la respiration
La fonction de respiration ou plutôt de ventilation est une des fonctions fondatrices de la construction du développement de la face et du reste du crâne.
Sans une ventilation nasale correcte, c’est-à-dire efficiente, permettant à un air frais de bonne qualité de parcourir les conduits nasaux et d’amener aux cellules, l’oxygène dont elles ont besoin, le développement du patient ne se fait pas de façon optimum. Les travaux du Dr Jean-Claude Talmant et du Pr Jean Delaire ont mis en évidence son importance.
Chez les patients dont la fonction respiratoire est déficitaire, le volume d’air de la ventilation nasale est faible, voire quasi nul. Ces patients présentent des narines minces, des cernes sous les yeux, une face souvent plus allongée, c’est-à-dire un manque de développement transversal.
Fig. 02 : visage très allongé d’une patiente en faiblesse respiratoire nasale et phonatoire.
Ces patients présentent le plus souvent sur le plan alvéolaire et dentaire une endoalvéolie ou parfois même d’une endognathie du ou des maxillaires. De même, ces profils de patients présentent le plus souvent une béance. Cette béance antérieure est due au fait que le patient ne respirant que très faiblement par le nez, il recherche une arrivée d’air par l’orifice buccal.
Lors des phases de déglutition, la langue s’interpose dans cet espace antérieur et entretient le phénomène d’ouverture. Les organes dentaires pourtant en développement chez le jeune enfant ne peuvent entrer en occlusion par les interpositions journalières linguales. Nous déglutissons entre 2500 et 3000 fois par jour !
Fig. 03 : patiente n°1, béance antérieure due à la présence de la langue en interposition lors de la déglutition.
Fig. 04 : patiente n°2, béance antérieure très marquée chez une autre patiente avec déficience phonatoire et respiratoire.
Une des solutions thérapeutiques en orthodontie pour le rétablissement d’une occlusion dentaire physiologique est la prise en charge fonctionnelle du patient en amont ou en alternance avec des phases de traitement fixe.
Le port d’un Éducateur Fonctionnel (EF) associé à des exercices pour mémoriser la bonne position, permet le replacement de la langue dans les phases de déglutition mais également au repos. Cet appareillage léger permet également un centrage des milieux dentaires, une symétrisation des ATM. Il sera porté à la maison, pendant plusieurs heures et la nuit.
Fig. 05 : port d’un éducateur fonctionnel (Orthoplus).
Fig. 06 : patiente n°1, résultat après port d’un EF T sur un an. La fermeture de la béance est obtenue. Il subsiste un décalage de milieux et l’occlusion latérale gauche est encore à améliorer.
Fig. 07 : patient 2, résultat après un an de port d’EF. Le travail de coordination est ici primordial, la dyspraxie linguale n’est pas entièrement corrigée et la béance antérieure même réduite subsiste encore.
La coordination entre praticiens dans le cadre du traitement orthodontique
La coordination entre praticiens est primordiale dans tous les cas où les fonctions sont manquantes ou détériorées.
Pour l’éducation de la langue en déglutition, le travail de l’orthophoniste ou du kinésithérapeute est déterminant, amenant le patient à prendre « conscience » de la position linguale au repos comme en action.
L’éducateur fonctionnel étant un « positionneur » de la langue, il convient de compléter ces exercices de positionnement avec l’amélioration des réflexes de proprioception ou encore des perceptions en mastication par exemple.
La prise en charge du kinésithérapeute ou de l’orthophoniste
Comme il vient d’être dit, la béance traduit immanquablement une DDM associée avec une dysmorphose, mais surtout une dysfonction linguale par pulsion associée le plus souvent à une dysfonction ventilatoire par respiration buccale exclusive, particulièrement la nuit. Qu’elle soit générée ou non par une succion de tétine, de doigts, etc. elle sera toujours aggravée ou auto entretenue par la dysfonction linguale qui est soit causative, soit réactive.
Fig. 08 : succion du pouce pouvant entrainer une dysharmonie dento-maxillaire.
Les dysmorphoses par aggravation des classes d’angle ne faisant qu’aggraver le tableau clinique. Elles peuvent être antérieures, latérales ou totales. Elles sont compliquées, non pas à traiter, mais surtout à stabiliser, car les béances récidivent dans 25 % des cas(1, 2).
Et lors de la prise en charge, un dilemme se révèle : l’orthodontiste a besoin d’une bonne maitrise fonctionnelle pour espérer stabiliser son traitement et le rééducateur a besoin d’avoir une fermeture des espaces pour espérer stabiliser ses fonctions.
La langue est la grande curieuse et tout espace sera comblé par elle, particulièrement la nuit, mais cela peut être aussi par l’interposition des lèvres ou du pouce. D’où le grand intérêt des EF (Éducation Fonctionnelle) pour favoriser cette obturation et cette mise à distance des dents de ces fonctions parasites.
Ces béances ont aussi et surtout des répercutions sur les capacités des patients à développer une mastication physiologique, ce qui peut affecter leur qualité de vie à court, moyen et long terme (Guedes et al. 2014).
Le traitement de la béance est donc un défi pour les praticiens en orthodontie(3).
La récidive des traitements actuels
Près de 25 % des traitements actuels récidivent parfois quelques jours après la fin du traitement(1, 2).
Mais pourquoi ?
Comme nous venons de le dire, la béance antérieure est généralement associée à une poussée de la langue et à une déglutition atypique(4). De nombreux auteurs ont étudié l’effet de la rééducation de la langue dans le traitement de la béance antérieure et ont montré son effet positif avec des récidives limitées(3, 5).
La rééducation de la langue est en effet un moyen reconnu de fermer la béance. Cependant, elle est profondément dépendante des compétences du praticien et du développement des nouvelles compétences fonctionnelles du patient dans des conditions anotomo-physiologiques très défavorables.
Fig. 09 : rééducation de la langue dans le traitement de la béance antérieure.
Les écueils sont nombreux :
• L’assiduité quotidienne des patients,
• La rééducation diurne alors que le problème est nocturne,
• La rééducation en conscience pour des comportements automatiques et reflexes,
• La rééducation le plus souvent en position verticalisé, le plus souvent assis, alors que le comportement à éduquer est celui de d’un patient allongé…
Pour ces raisons non exhaustives, les EF sont des dispositifs de contention des fonctions dont l’efficacité est prouvée et sont à juste titre, une aide éducationnelle tout en étant une contention passive mais qui peut être aussi active comme nous allons le voir.
Mais il faut être prudent sur des aspects peu connus qui peuvent rendre caduque rapidement le résultat obtenu.
Fig. 10 : exemple d’éducateur fonctionnel (Orthoplus).
Les raisons de la récidive et les précautions à prendre
L’Éducateur Fonctionnel (EF) permet de générer un guidage lingual mais pour autant pas forcément une déglutition mature et si celle-ci n’est pas contrôlée ou si elle est amplifiée par la crispation dentaire sous EF, elle peut augmenter la poussée de la langue d’où des récidives rapides après l’arrêt du traitement du fait du renforcement de ces pulsions sous EF.
D’ailleurs, il est à noter que cela arrive sur la mise en place d’EF en fin de traitement orthodontique sans béance, et de s’apercevoir de l’apparition d’une béance parés cette phase pour la raison que nous venons de décrire.
Pour cela une bonne éducation est nécessaire pour favoriser un comportement correct ou l’EF est bien utilisé comme un guide de la langue mais ou le patient va être éduqué pour ne surtout pas pousser la langue dans l’EF mais plutôt a utiliser celui-ci comme une stimulation sensorielle dont le but de réussir à déglutir, de préférence en position allongé, sans pulsion.
Ce dispositif buccal amovible doit être porté toute la nuit chez des jeunes patients en traitement orthodontique en veillant à l’établissement d’une déglutition mature dont il doit être pleinement conscient et pour cela il faut développer des aides qui se feront par un apprentissage avec EF sur un plan cognitif et comportemental.
Empêcher la langue de réaliser des pulsions sur l’EF est une bonne indication mais pour autant, il ne faut pas que le recul de langue vienne obstruer le carrefour aéro digestif et générer des TROS. Il faut chercher à développer un comportement basi lingual à action vertical en favorisant la stabilisation tripodique antérieure et en recherchant une déglutition molarisée c’est-à-dire qui va se faire et se vivre au niveau des dernières molaires (comme si le patient cherchait à « rengorger la base de langue », comme quand on avale un gros morceau).
La présence de l’EF peut aider à cela à condition de le révéler au patient et à le conduire dans cette sensation et cette action et ne pas se contenter du simple effet guidant du dispositif, c’est un éducateur fonctionnel, certe, mais qui demande d’avoir une vision fonctionnaliste et comportementaliste. Ce qu’il faut chercher à obtenir c’est un comportement stable et verticalisé de la partie antérieure de la langue tout en ayant une augmentation de la perméabilité nasale, ce qui le but essentiel de nos traitements. Cela peut demander une prise en charge spécifique préliminaire au traitement par EF.
L’EF, dans le cas des béances antérieures, est une aide fonctionnelle précieuse car il modifie les caractéristiques fonctionnels oropharyngée et les caractéristiques structurelles en empêchant la poussée de la langue tout en permettant aux arcades dentaires de se refermer. Ils améliorent probablement le tonus des muscles vélo-pharyngo-linguaux à condition de veiller a ce que cela ne produise pas d’effet iatrogène comme nous venons de l’expliquer.
Fig. 11 : mis en place d’un Éducateur Fonctionnel à un patient par un orthodontiste.
L’EF est mis en place par des orthodontistes pour l’indication des traitements de béance avec déglutition atypique et poussée de la langue. Le rééducateur complète cette indication par un bilan fonctionnel complet et global et renforce l’indication de ce traitement en donnant de nouvelles clefs de motivation, en facilitant son intégration, en surveillant la non iatrogénicité du dispositif.
Pour cela, les patients sont suivis, en début de prise en charge, à raison d’une séance par semaine et assez rapidement chaque mois avec, si possible, des photographies des dents intégrées dans le dossier du patient.
Le traitement par EF est de plus en plus associé à une fermeture de la béance antérieure. Cette fermeture peut être rapide mais encore faut-il qu’elle soit stable, d’où l’intérêt d’utiliser l’EF comme guide fonctionnel actif et de poursuivre le contrôle après la dépose.
Il nous semble essentiel de chercher à déléguer au patient ce contrôle si l’on a développé chez lui une capacité d’être fonctionnellement conscient de ses comportement bucco-linguaux et alors, dans ces conditions, le traitement est relativement rapide avec une fermeture complète qui peut être obtenue en quelques mois mais surtout avec une plus grande garantie de stabilité dans le temps.
Fig. 12 : patient souriant après une correction des fonctions de la langue par l’EF.
L’EF guide la langue mais peut aussi être, dans les conditions décrites, un activateur fonctionnel empêchant passivement et activement les pulsions antérieures et pouvant, potentiellement, favoriser l’ouverture des voies aériennes supérieures et le développement d’une ventilation nasale nocturne.
En ce sens, l’EF est une aide précieuse pour le rééducateur fonctionnel mais est également un allié thérapeutique car il favorise la correction de la déglutition atypique tout en pouvant stimuler le contrôle de la langue au repos vers le palais. Cette nouvelle position empêche la langue de pousser et de s’interposer entre les dents antérieures tout d’abord passivement mais avec comme objectif un contrôle actif puis reflexe et automatique.
L’absence de poussée de la langue, d’avalement des lèvres, des para fonctions… sont les éléments essentiels favorisant la fermeture de la béance comme montré précédemment(2).
On peut considérer que la correction des fonctions de la langue par l’EF avec un appui des rééducateurs et la redirection des forces de la langue appliquées à l’intérieur de la bouche avec le dispositif, modifie rapidement la position des dents et la stabilisation du traitement pour éviter la récidive mais cela devra se faire avec un contrôle des acquis par le patient ainsi que par sa capacité à intégrer ses nouvelles fonctions et à observer toutes déviations, c’est à nous à lui remettre les clefs d’une autonomie possible, souhaitable et nécessaire.
Conclusion
La prise en charge des dysfonctions rencontrées en orthodontie doit être diagnostiquée et commencée le plus tôt possible. Ces dysfonctions peuvent alors être corrigées et permettre un développement plus physiologique de la face, du crâne, des maxillaires et organes dentaires.
Cette prise en charge précoce peut se faire à l’aide d’un éducateur fonctionnel (EF) comme nous l’avons montré. Les éducateurs fonctionnels de la marque Orthoplus sont aujourd’hui très aboutis. Les nombreux produits de la gamme permettent ainsi de répondre au plus grand nombre des dysfonctionnements rencontrées.
Les traitements chez les enfants et les adultes également montrent qu’en orthodontie, les notions posturales, repiratoires ou de déglutition prennent maintenant une place de plus en plus importante pour la réussite des traitements et le maintien de leur résultats dans le temps.
La notion de coordination entre plusieurs praticiens de la santé est indispensable et recommandée car elle permet des résultats plus rapides dans le temps mais également plus pérennes.
Les relations entre plusieurs praticiens montrent une prise en charge globale des problèmes rencontrés par les patients qui ne se cantonnent le plus souvent pas à un seul domaine et à une seule expérience professionnelle.
La corrélation entre la qualité, le succès et la pérennité de nos traitements est dépendante de cette relation étroite entre plusieurs compétences.
L’EF est un dispositif efficace pour fermer rapidement les béances antérieures mais nous n’avons, actuellement, aucune donnée concernant la stabilité de la fermeture.
Références bibliographiques
(1) G M. Greenlee, G J. Huang, S. Shih-Hsuan Chen, J. Chen, T. Koepsell, P. Hujoel – Stability of treatment for anterior open-bite malocclusion: a meta-analysis.
Am J Orthod Dentofacial Orthop. 2011 Feb;139(2):154-69.
(2) J-M. Foletti, G S. Antonarakis, C. Galant, D S. Courvoisier, P. Scolozzi – Is Atypical Swallowing Associated With Relapse in Orthognathic Patients? A Retrospective Study of 256 Patients.
Publication History:Received June 29, 2017;Published online September 15, 2017.
(3) J. Smithpeter, D. Covell – Relapse of anterior open bites treated with orthodontic appliances with and without orofacial myofunctional therapy.
Am J Orthod Dentofacial Orthop. 2010;137(5):60514.
(4) D. Burford, J H. Noar – The causes, diagnosis and treatment of anterior open bite.
Dent Update. 2003 Jun;30(5):235-41. doi: 10.12968/denu.2003.30.5.235.
(5) C. Van Dyck, A. Dekeyser, E. Vantricht, E. Manders, A. Goeleven, S. Fieuws, G. Willems – The effect of orofacial myofunctional treatment in children with anterior open bite and tongue dysfunction: a pilot study.
European Journal of Orthodontics, Volume 38, Issue 3, June 2016, Pages 227–234.
Cet article a été rédigé par le Dr Christophe KAZEK orthodontiste, en collaboration avec M. Frédéric VANPOULLE et Mme Marion GIRARD, tous deux kinésithérapeutes spécialisés en rééducation maxillo-faciale.
Cet article vous est proposé par Orthoplus.